17 octobre 1961, pour beaucoup de Français : «Macron ne va pas assez loin»

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/Pendant plusieurs décennies, la mémoire du 17octobre 1961 a été occultée sous l’effet notamment d’un black-out ordonné au plus haut sommet de l’État français et du lobby lié à la guerre d’Algérie. L’État français a organisé le déni et l’impunité.

Hier, c’était toute la classe politique et médiatique française qui attendait avec impatience les gestes de Macron. Pour avoir fait de son mandat celui de la mémoire, le président français était dans l’obligation de faire un pas vers la reconnaissance de ce crime, surtout que c’était l’une des recommandations du rapport Stora.   Le président s’est rendu à Colombes et a déposé une gerbe de fleurs en bord de Seine. Une première pour un chef d’État en exercice. Mais le geste laisse un arrière-goût d’inachevé. La classe politique française a apprécié différemment cette sortie de Macron. Une présence, des fleurs et des mots l’ont largement fait réagir. À gauche, on espérait que le président de la République irait plus loin. Dans une tribune publiée samedi dans le JDD, le député Alexis Corbière appelait par exemple Emmanuel Macron à «reconnaître le massacre des Algériens pour ce qu’il a été : un crime d’État». «Notre pays traverse un moment de trouble où le révisionnisme le plus odieux relève la tête, pour minimiser ou nier les crimes de Vichy ou ceux du colonialisme. Quel meilleur moyen de tuer dans l’œuf ces ferments de division qu’ouvrir le chemin de la justice et de la réparation aux victimes du 17 octobre 1961 ?», interroge le député de la France Insoumise.

Un propos partagé par la sénatrice EELV Esther Benbassa. Dans un tweet publié samedi après la commémoration, celle-ci estime que les déclarations du président de la République sont «un pas en avant» mais restent «insuffisantes pour réparer les mémoires blessées». «Il est temps de reconnaître le 17 octobre comme un crime d’État», juge-t-elle.

« C’est un crime d’État, ce n’est pas un crime préfectoral »

Pour beaucoup d’historiens et politologues, la déclaration d’Emmanuel Macron samedi est une déception. Il s’agit « d’un petit pas qui va permettre à Emmanuel Macron de ne pas en faire un plus grand », estime Olivier Le Cour Grandmaison, président de l’association 17 octobre 196 contre l’oubli et professeur de sciences politiques à l’université Paris-Saclay, sur France 24. L’historien spécialiste de l’histoire coloniale de la France Gilles Manceron juge également la déclaration du président Macron insuffisante, rappelant que c’est le Premier ministre de l’époque, Michel Debré, qui a décrété avant le massacre, « un couvre-feu discriminatoire réservé aux seuls Algériens ».  « C’est un crime d’État, ce n’est pas un crime préfectoral », affirme-t-il sur France 24, regrettant, par ailleurs, que nombre d’archives n’aient pas encore étés rendues accessibles par la France. Hier, l’historien Benjamin Stora  a défendu l’approche du président, jugeant qu’elle constitue une « avancée » : « C’est la première fois qu’un chef d’État en exercice utilise le mot ‘crime’ et l’accole à la question de l’État et donc à la République », a-t-il déclaré sur France Inter.

Pour Media Part, «Emmanuel Macron a commémoré le massacre du 17 octobre 1961, en pointant la seule responsabilité de Maurice Papon. Pour éviter de se mettre à dos les obsédés des questions identitaires, il n’a parlé ni de colonisation ni de violences policières. Et encore moins de crime d’État. Le journal L’Humanité, l’organe central du PCF, abonde dans le même sens en écrivant sur son site  qu’Emmanuel Macron reconnaît des «crimes inexcusables pour la République» mais pas le rôle de l’État. La droite et l’extrême droite ont, elles, dénoncé une déclaration perçue comme un nouvel acte de repentance.

N. A.

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