Par Amar R.
Il y a 80 ans, c’étaient les massacres de Sétif, Guelma, et Kherrata. Ce jour-là, les Algériens qui sont sortis célébrer la fin de la Seconde Guerre mondiale, à l’instar du monde libre, tout en revendiquant l’indépendance algérienne, organisèrent une marche pacifique qui a été réprimée dans le sang.
Arborant pour la première fois le drapeau national Algérien et des banderoles pour rappeler à la France coloniale ses engagements envers son ancienne colonie, les nationalistes du PPA – MTLD (Parti du peuple algérien – Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) ont appelé à l’indépendance de l’Algérie. Mais, la vue du drapeau vert et blanc frappé d’un croissant et d’une étoile rouge suscite l’indignation des colons français, installés sur les terrasses des cafés, et la colère des policiers qui ont ordonné aux manifestants de retirer pancartes, banderoles et drapeaux.
Une détonation retentit. La police n’hésita pas à faire usage de ses armes à feu, tuant sur le coup Bouzid Saal, un jeune scout musulman qui a refusé de se séparer de l’emblème national.
La mort du jeune de 22 ans déclenche des émeutes et marque le début des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, qui ont entraîné la mort de 45 000 Algériens, à la suite de la répression brutale engagée par les forces coloniales françaises pour venger la mort d’une centaine d’Européens.
Répression contre velléité nationaliste
Durant les massacres de 8 mai 1945 qui se sont déroulées sur plusieurs semaines, les autorités coloniales françaises, sous l’égide du gouverneur général Yves Chataigneau et avec l’aval du gouvernement provisoire de Charles de Gaulle, ont lancé une répression massive visant à écraser toute velléité nationaliste.
L’armée française, la marine, l’aviation, la police, la gendarmerie et des milices civiles européennes (souvent des colons armés) ont été mobilisées. Des villages entiers ont été bombardés, des exécutions sommaires ont eu lieu, et des massacres collectifs ont été perpétrés, notamment dans les régions rurales autour de Sétif, Guelma et Kherrata.
A Guelma, des milices civiles ont organisé des tueries méthodiques, visant des populations musulmanes sans distinction, y compris des innocents. Des charniers ont été découverts par la suite.
Pourtant, ces crimes contre l’humanité commis par la France coloniale sont restés impunis. Ses responsables ont bénéficié d’impunité, échappant totalement à toute sanction, d’où le ressentiment des Algériens qui allait alimenter la sève de la révolution d’indépendance nationale.
Devoir de mémoire
Les massacres du 8 mai 1945, ont constitué un tournant dans l’histoire du mouvement national dont les auteurs ont désormais acquis la conviction profonde de la nécessité du recours à la lutte armée pour la libération du pays, devant l’échec du courant assimilationniste au système colonial.
L’Algérie indépendante revendique la reconnaissance des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata du 8 mai 1945 comme des crimes coloniaux, comme des crimes contre l’humanité, et que la France officielle reconnait sa responsabilité dans les exactions commises durant la période coloniale (1830-1962).
L’Algérie qui considère les massacres de 1945 comme un symbole de la brutalité du système colonial français, a décrété le 8 mai comme Journée nationale de la Mémoire, en 2020 sous le président Abdelmadjid Tebboune, qui avait qualifié de « crimes contre l’humanité » les massacres perpétrés par l’armée coloniale
Mais, la France n’a fait qu’une reconnaissance partielle de ces massacres, qu’elle considère comme une « tragédie inexcusable » (ambassadeur Hubert Colin de Verdière, 2005) et des « massacres » (ambassadeur Bernard Bajolet, 2008), avec des gestes symboliques comme la visite de Jean-Marc Todeschini à Sétif en 2015. Cependant, elle n’a pas qualifié ces événements de crimes contre l’humanité ni de crimes coloniaux, évitant une reconnaissance juridique qui pourrait ouvrir la voie à des réparations ou à des poursuites.