Entretien réalisé par Brahim Aziez
Le président de la République entend faire passer les exportations algériennes hors hydrocarbures à 15 milliards de dollars à l’horizon 2024, et l’agriculture pourrait apporter une part consistante dans ce package.
Les dattes algériennes restent très prisées à l’étranger, et ce filon pourrait apporter une grande contribution à la réalisation du programme présidentiel.
Le ministre du commerce vient d’annoncer certains chiffres, à savoir que l’Algérie exportait des dattes et leurs dérivés vers 75 pays pour une valeur totale de 80 millions de dollars et comptait porter ce nombre à 150 pays d’ici 2024, pour atteindre une valeur totale de 250 millions de dollars. Qu’en pensez-vous ?
Pour le chiffre de 250 millions de dollars d’exportations, l’explication est simple.
Avant, nous exportions les dattes uniquement, mais aujourd’hui on va exporter même les dérivés des dattes.
Les pays européens sont friands d’huile de noyaux de dattes pour les produits cosmétiques, il y a le miel et le sucre de dattes pour le chocolat, il y a le charbon actif pour les produits alimentaires.
En fait, les Européens recherchent de plus en plus des matériaux nobles et bio, qui ne soient pas faits à base de produits chimiques.
Il faut aussi savoir que les dattes servent pour la fabrication de l’éthanol qui est une matière première pour la production d’alcool chirurgical, gel désinfectant, parfum et tous les produits parapharmacie.
Les dérivés représentent 70% de la production globale de dattes. Et si les dattes sont vendues à environ 5 dollars le kilo, les dérivés c’est 60 dollars le kilo et plus.
L’éthanol c’est 15 à 20 dollars, le sucre c’est près de 50 dollars. Donc, imaginez ce que cela pourra représenter en valeur à l’exportation. Le ministre qui a été sensibilisé à ce sujet a été assez réactif.
Avant, il n’y avait pas d’avantages pour les dérivés de dattes, aujourd’hui si. Et ce sont les mêmes avantages que pour les dattes.
Et là, tout le monde va s’orienter vers les dérivés des dattes pour la fabrication de matières premières et bénéficier de la prime.
Mais comment passer de 74 pays qui importent les dattes algériennes à 150 en un peu plus d’un an ?
Si on veut cibler plus de pays, il faut préparer le terrain.
L’Algérie a des accords commerciaux avec les pays africains et arabes pour des avantages préférentiels, il faut les élargir.
Je vous donne un exemple : la Turquie impose entre 45% et 50% de droits douanes pour les dattes algériennes qui y sont exportées, alors qu’aucune taxe n’est imposée aux dattes tunisiennes.
Autrefois, les accords commerciaux étaient basés sur l’import-import, aujourd’hui il faut reconsidérer la chose et rééquilibrer la donne.
L’Indonésie, un des plus grands pays importateurs de dattes, vous imaginez que les dattes algériennes y sont taxées à 65% ?
A une certaine époque, on pouvait contourner cet obstacle et passer par la Malaisie, mais même avec ce pays les accords ont été rompus.
Outre les aides actuelles de l’Etat, on souhaiterait que celles-ci s’étendent aux frais de fret terrestre et maritime à hauteur de 50%, en sus de la prise en charge matérielle des salons qui se déroulent à l’étranger à hauteur de 80%.
Il y a le problème du label Deglet Nour qui est utilisé par d’autres pays, cela ne cause-t-il par un préjudice à l’essor de l’exportation des dattes algériennes et leurs dérivés ?
Qu’il s’agisse de dattes ou de dérivés de dattes, certains pays continuent à exporter nos produits sous leur label.
Mais lorsque nous aurons investi le marché, les choses rentreront dans l’ordre naturellement. C’est notre absence qui a permis cela.
L’Etat a consacré un programme d’aide au secteur de l’agriculture, particulièrement pour les cultures stratégiques, la filière des dattes en bénéficie-t-elle aussi ?
Je vais vous donner la véritable problématique de l’agriculture des dattes, elle réside dans la reconsidération la vallée d’Oued Righ qui est le plus grand réservoir de dattes algériennes, particulièrement celles destinées à l’export.
Il faut une enveloppe consistante pour aider les fellahs de toute cette région qui sont affectés par la pauvreté, les montées des eaux et autres maladies qui gangrènent leurs récoltes, sans parler des problèmes d’héritage qui réduisent des superficies.