Abderrahmane Hadef :  «L’Algérie doit se positionner sur le nouvel échiquier économique mondial»

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/ Pour l’économiste Abderrahmane Hadef, le système économique mondial actuel commence à disparaitre pendant qu’un nouveau est en train de prendre forme. Selon lui, l’Algérie est dans l’obligation d’intégrer l’échelle de valeur mondiale à travers le recours à des alliances économiques intelligentes au niveau régional pour pouvoir réserver une place sur l’échiquier mondial.     

On assiste, ces derniers temps, à des conflits d’«intérêt économique» sur fond de crise politique en Asie en Europe ou en Afrique, les tensions montent durant cette période de post crise sanitaire, est-ce le début d’une reconfiguration de la carte économique mondiale ?

La crise sanitaire a non seulement démontré la fragilité ou la vulnérabilité du système économique mondial, mais aussi permis l’émergence de nouvelles puissances économiques comme la Chine et sa croissance à deux chiffres considérée comme une menace pour l’économie occidentale et qui pèse lourdement sur l’échiquier économique mondial. Ce bouleversement des cartes et perceptibles et mis en avant par des conflits et des tensions géopolitiques dans plusieurs régions dans le monde. Les deux derniers en date sont les conflits de l’Ukraine, du Moyen Orient, mais aussi de l’Afrique où la France a commencé à perdre pied. La crise malienne est un coup dur pour les Français car elle marque le début de la disparition de leur influence sur les pays de la région du Sahel et de la Françafrique. On peut donc dire que la situation géopolitique conflictuelle actuelle est animée par le besoin accru des pays occidentaux et les grandes puissances à améliorer leurs croissances économiques durant cette période de relance. Autrement dit, on assiste à l’apparition d’un nouveau système tripolaire qui remplacera l’ancien dont les Occidentaux sont considérés comme les seuls et uniques leaders. Outre le pôle occidental, on assiste à l’apparition d’un bloc oriental formé par la Chine et la Russie qui se caractérise par la volonté des deux pays à mettre fin au système «Swift» des transferts financiers qui est détenu par les puissances occidentales et le remplacer par un nouveau système propre au deux pays. De l’autre côté, on assiste également à la naissance d’un troisième pôle sur le continent africain dont les pays veulent se positionner sur l’échiquier économique mondial et qui commence à se développer. Ce sont donc des indicateurs qui renseignent sur les changements ou les bouleversements qui s’opèrent d’une manière continuelle sur la carte économique actuelle.

Quelle serait l’impact de cette situation conflictuelle sur l’économie nationale ?

L’Algérie n’est pas dissociée de ce qui se passe dans le monde. On peut dire aujourd’hui que cette confrontation a engendré des conséquences à la fois bénéfiques et pénalisantes. D’un côté, cette situation conflictuelle a provoqué une hausse importante des prix du pétrole, principale ressources financière du pays, qui va lui permettre de lancer des projets de développement et l’amélioration de ses voyants macro-économiques. Pénalisante, de l’autre côté, parce que cette situation a engendré une crise de la matière première et de produits sur le marché international dont le marché algérien demeure dépendant. Ces deux facteurs sont, d’ailleurs, à l’origine la hausse du taux d’inflation qui s’approche de deux chiffres (9,2%). On peut dire aujourd’hui que l’économie nationale est en train de subir les conséquences de cette nouvelle ère, à mon sens, d’une manière modérée.

Parlons de la dévaluation de la monnaie nationale. Cette année encore la valeur du dinar a connu une dévaluation de 5% comme prévu dans le cadre de la loi de finances 2022…

A mon avis, la dévaluation de la monnaie nationale durant cette période de forte hausse de l’inflation va encore augmenter le risque inflationniste et compliquer la situation sur le plan sociale. De ce fait, il est nécessaire de maintenir le niveau du dinar à sa valeur actuelle au moins durant les deux prochaines années pour maitriser le phénomène de l’inflation et réduire son impact tout en accentuant l’amélioration de la production nationale.    

Quelle place pour l’Algérie dans cette nouvelle ère ?

Dans la situation actuelle, l’Algérie est dans l’obligation de mener des réformes structurelles au niveau local pour redresser la barre économique en profitant de cette situation qui se profile pour mettre les jalons d’une économie solide. Sur le plan international, l’intégration de la chaine de valeur mondiale s’impose, et ce, à travers des alliances intelligentes avec des pays dont les économies sont complémentaires comme c’est le cas de la Tunisie et de l’Egypte sur le continent africain et l’Italie et l’Espagne en Europe. L’avenir de l’Algérie est dans de la région euro-méditerranéenne qui lui permettra de s’inscrire dans cette nouvelle logique économique mondiale qui s’impose et de lui permettre de développer des secteurs qui sont à la traine comme celui des énergies, des mines et des énergies renouvelables. C’est dans cette vision que nous pourrons tirer profit de cette situation et se positionner sur l’échiquier économique mondial à long terme. 

A. B.