PAR NABIL M.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé la nécessité imminente de revoir l’Accord d’Association entre l’Algérie et l’Union européenne, signé en 2002 et entré en vigueur en 2005.
Lors de son entretien périodique avec des représentants des médias, diffusé samedi soir, le chef de l’Etat a souligné que cette révision débuterait à partir de 2025 et serait menée dans un «esprit amical», sans conflits avec les Etats membres de l’Union. Cette révision s’impose comme une démarche stratégique, visant à adapter l’accord à la nouvelle réalité économique de l’Algérie et à corriger les déséquilibres constatés au fil des années.
Le président Tebboune a rappelé que l’Accord d’association avait été signé à une époque où l’économie algérienne était bien différente de celle d’aujourd’hui. «A l’époque, la contribution de l’industrie au PIB ne dépassait guère 3%, et nos exportations hors hydrocarbures étaient quasiment inexistantes», a-t-il expliqué, soulignant que le pays importait massivement des produits agricoles, sans avoir la capacité d’exporter autre chose que des hydrocarbures. Ainsi, l’accord signé à l’époque ne tenait pas compte de l’évolution et du potentiel économique que l’Algérie connaît aujourd’hui.
Le chef de l’Etat a souligné que la situation économique algérienne s’est considérablement transformée. «L’Algérie produit et exporte désormais une grande variété de produits manufacturés, électroménagers et autres», a-t-il précisé faisant allusion à l’évolution de l’appareil industriel et la diversification des exportations qui nécessitent donc une révision de l’accord pour refléter ces nouvelles réalités.
Un déséquilibre commercial criant
Force est de constater que les résultats de cet accord, sur le plan commercial, ont été largement défavorables pour l’Algérie. Sur les 10 premières années de la signature de l’accord (2005-2015), les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’Union européenne n’ont même pas atteint 14 milliards de dollars, tandis que les importations algériennes en provenance de l’Europe se sont élevées à environ 220 milliards de dollars. Ce déséquilibre massif s’est traduit par une balance commerciale largement déficitaire pour l’Algérie.
En outre, l’impact de l’accord d’association sur les recettes douanières algériennes a été considérable. Le pays a subi un manque à gagner de plus de 700 milliards de DA en recettes douanières sur la même période. Ces pertes sont d’autant plus préoccupantes que l’un des objectifs initiaux de l’accord était de promouvoir les exportations algériennes hors hydrocarbures et de stimuler les investissements directs européens en Algérie. Cependant, les résultats en termes d’investissements sont restés décevants, avec des Investissements directs étrangers (IDE) pratiquement nuls, et aucun impact notable sur la création d’emplois ou la croissance économique.
Entre 2003 et 2018, les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’UE sont passées de 344 millions de dollars à seulement 889 millions de dollars, un chiffre dérisoire au regard des ambitions initiales de l’accord.
Cette situation avait déjà fait réagir le chef d’Etat qui, face à ce constat, a instruit le gouvernement lors de précédentes réunions du Conseil des ministres de procéder à une révision «clause par clause» de l’accord, en tenant compte des intérêts économiques souverains de l’Algérie et en adoptant une approche «gagnant-gagnant».
Une volonté partagée par l’Union européenne
Le président Tebboune n’a pas manqué, lors de sa rencontre avec la presse, de rassurer que cette révision n’entraînerait pas de tensions avec les partenaires européens. «Les Etats membres de l’Union européenne sont favorables à la révision de cet accord, et nous souhaitons le faire dans un esprit amical», a-t-il déclaré.
Ce sentiment est d’ailleurs partagé au sein des institutions européennes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a récemment exprimé sa volonté de renforcer la coopération bilatérale avec l’Algérie. Dans un message adressé au président Tebboune, à l’occasion de sa réélection, elle a souligné que cette nouvelle étape est «importante pour les relations algéro-européennes» et s’est engagée à travailler en concertation avec les autorités algériennes pour développer des partenariats mutuellement bénéfiques.
Cette ouverture de la part de l’UE pourrait marquer le début d’une phase de renégociation constructive, visant à redéfinir les bases du partenariat commercial entre les deux parties. Tous les ingrédients sont présents pour entamer cette démarche et remettre l’accord dans le bon sens qui repose sur le principe de libre-échange.
D’autant plus que l’Algérie dispose aujourd’hui de capacités industrielles qui méritent une meilleure reconnaissance dans le cadre de ses échanges commerciaux avec l’UE. Cette révision devrait donc permettre à l’Algérie d’accroître ses exportations hors hydrocarbures vers l’Europe, tout en stimulant les investissements européens dans les secteurs porteurs du pays, notamment l’industrie manufacturière, les énergies renouvelables et l’agriculture.