Alger-Le Caire : une relation qui se renforce

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Tebboune reçoit le MAE de l'Egypte

Par M. Mansour

 

La visite du ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdel-Atty, à Alger, n’est pas une simple escale diplomatique de plus. Elle s’inscrit dans une dynamique profonde, à la fois politique, énergétique et géostratégique, que l’Algérie et l’Egypte nourrissent avec constance. En quelques heures, le chef de la diplomatie égyptienne a été reçu successivement par le président Abdelmadjid Tebboune, par son homologue Ahmed Attaf, par le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab et par le ministre de l’Industrie, Sifi Ghrieb. Quatre rencontres, quatre registres, un seul message : l’heure est à l’alignement stratégique entre Alger et Le Caire.

 

Une relation enracinée dans l’histoire, projetée vers l’avenir

Il faut rappeler que cette visite intervient dans le prolongement de la visite du président Tebboune au Caire en octobre dernier. Déjà, à l’époque, les deux chefs d’Etat s’étaient entendus sur la nécessité de donner un second souffle à la relation bilatérale. Ce qui aurait pu rester un vœu pieux prend aujourd’hui une consistance concrète.

Recevoir un ministre des Affaires étrangères à trois niveaux de l’Etat n’est pas un fait anodin. C’est une manière claire, assumée, de signifier l’importance accordée à ce partenariat. Plus encore, c’est un message politique à une région en proie à de multiples recompositions.

 

Ghaza au menu des discussions

Au plan politique, les entretiens ont naturellement porté sur Ghaza. Le ministre égyptien a salué le rôle de l’Algérie, depuis son siège au Conseil de sécurité de l’ONU, dans la défense des causes arabes, en tête desquelles figure la Palestine. Une convergence de vues, sans ambiguïté, s’est exprimée sur le refus des plans de déplacement forcé et la nécessité de mettre fin à l’agression sur la bande de Ghaza.

Mais au-delà du drame palestinien, une autre ligne de fracture régionale concerne les deux pays : la Libye. Deux pays frontaliers de la Libye, deux Etats stabilisés, deux capitales conscientes que l’instabilité chronique libyenne représente un danger direct. Il ne pouvait donc être question d’éluder ce dossier. La coordination algéro-égyptienne sur ce sujet s’impose aujourd’hui plus que jamais comme une nécessité stratégique pour les deux pays, qui, malgré les approches divergentes, poursuivent ensemble l’objectif de sécuriser durablement leurs frontières.

 

Le gaz et l’hydrogène

Le cœur économique de cette visite a battu du côté du ministère de l’Energie. Le ministre Mohamed Arkab et le chef de la diplomatie égyptienne ont évoqué des perspectives très concrètes dans le secteur énergétique, allant bien au-delà des discours.

D’abord, il y a ce chiffre qui ne trompe pas : 8 milliards d’euros, c’est ce que le géant italien Eni prévoit d’investir en Egypte, sur un total de 24 milliards répartis à parts égales entre l’Algérie, la Libye et l’Egypte au cours des quatre prochaines années, afin d’augmenter la production régionale d’énergie pour répondre à la demande croissante et renforcer l’approvisionnement de l’Europe. Cela signifie une chose : l’Egypte est en train de devenir un acteur régional important dans le gaz, ce qui peut faire d’Alger et du Caire deux alliés stratégiques sur le plan énergétique. Hormis le gaz, la rencontre s’est soldée par la signature d’un mémorandum d’entente entre Sonelgaz et l’égyptien Elsewedy Electric. L’extension des activités industrielles de l’égyptien en Algérie, la création d’usines, l’échange d’expertises, la formation des cadres… tout cela dessine les contours d’une coopération solide, pensée sur le long terme, et ancrée dans une logique de complémentarité.

L’hydrogène vert, les infrastructures énergétiques, le dessalement de l’eau de mer, les équipements à très haute tension, la transformation des phosphates… voilà autant d’autres chantiers évoqués qui montrent que cette relation n’est pas limitée au présent, mais qu’elle est construite pour durer. Et cela, dans un contexte où la demande énergétique mondiale se redessine autour de la durabilité et de l’indépendance.

L’enjeu désormais, pour Alger comme pour Le Caire, est de structurer cette relation sur une base institutionnelle durable, à travers notamment la prochaine réunion de la Haute commission mixte. Il ne s’agit pas de multiplier les accords pour les laisser mourir dans les tiroirs, mais de mettre en place des mécanismes de suivi, de coordination et d’exécution.