Alger met en garde Retailleau

0
32632
Algérie France

Par Zine Haddadi

 

L’Algérie a joint l’acte à la parole avec une réponse forte et ferme à l’arrestation d’un de ses agents consulaires par les autorités françaises.

L’Algérie, qui avait annoncé qu’elle n’allait pas «laisser cette situation sans conséquences», a décidé, hier, d’expulser douze agents de l’ambassade de France en Algérie en guise de représailles.

«L’Algérie a décidé souverainement de déclarer persona non grata 12 agents exerçant auprès de l’ambassade et des consulats de France en Algérie, relevant de la tutelle du ministère de l’Intérieur de ce pays», indique le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Les autorités algériennes somment en outre les douze agents de l’ambassade de France à Alger de quitter le territoire national sous 48 heures, selon le communiqué du ministère. Il s’agit d’une mesure inédite dans l’histoire des relations entre les deux pays.

 

La réponse ferme d’Alger

Le ministère des Affaires étrangères a précisé dans son communiqué que cette mesure «fait suite à l’arrestation spectaculaire et ostentatoire, sur la voie publique, par les services sous tutelle du ministère de l’Intérieur français, d’un agent consulaire d’un Etat souverain accrédité en France, en date du 8 avril 2025».

D’ailleurs, l’Algérie a dénoncé un «procédé indigne par lequel le ministre de l’Intérieur voulait rabaisser l’Algérie» et qui «s’est fait sans aucune considération du statut consulaire de cet agent, en faisant fi de tous les usages et pratiques diplomatiques et en flagrante violation des conventions et traités pertinents en la matière».

La relation algéro-française connaît ainsi de nouvelles tensions depuis l’arrestation par la France d’un agent consulaire algérien en exercice sur le sol français, dans le cadre de l’ouverture d’une information judiciaire sur un supposé enlèvement de Amir Boukhors, dit Amir DZ, en 2024. Cette arrestation est venue perturber la dynamique enclenchée par l’échange téléphonique entre le président Abdelmadjid Tebboune et son homologue français, Emmanuel Macron le 31 mars dernier.

 

L’ombre de Bruno Retailleau

L’Algérie tient Bruno Retailleau pour responsable du regain de tension, promettant que «toute autre nouvelle action attentatoire du ministre de l’Intérieur français recevra, sur la base de la réciprocité, une réponse ferme et adéquate».

Pour l’Algérie, le locataire de Place Beauvau «porte la responsabilité entière de la tournure que prennent les relations entre l’Algérie et la France au moment où celles-ci venaient d’entamer une phase de décrispation à la faveur de l’entretien téléphonique entre les chefs d’Etat des deux pays, lequel a été suivi par la visite en Algérie du ministre français des Affaires étrangères».

Nommément dénoncé dans le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, Bruno Retailleau y est décrit comme un «ministre qui excelle dans les barbouzeries à des fins purement personnelles, en manque flagrant de discernement politique».

Les autorités algériennes ne sont pas les seules à faire le constat de la responsabilité du ministre de l’Intérieur du gouvernement Bayrou dans le nouvel épisode de tension qui touche les relations entre les deux pays.

En France, ce constat est partagé par des personnalités publiques de premier rang, à l’image des cadres du parti la France Insoumise, Eric Coquerel et Manuel Bompard.

Eric Coquerel a appelé à une reprise de contact immédiate entre les présidents Tebboune et Macron et à la mise à l’écart de Bruno Retailleau du dossier des relations entre Paris et Alger.

«J’appelle à ce que les deux présidents se reparlent tout de suite et qu’on ne laisse pas faire Bruno Retailleau», a réagi Eric Coquerel.

Pour sa part, le coordinateur de la France Insoumise, Manuel Bompard, a ouvertement accusé Bruno Retailleau de se servir des tensions dans les relations entre la France et l’Algérie à des fins personnelles.

«Monsieur Retailleau instrumentalise la relation entre la France et l’Algérie», a estimé Manuel Bompard.

En Algérie comme en France, il n’échappe à personne que Bruno Retailleau a une main dans la reprise des tensions entre les deux pays.

L’apaisement officialisé par les présidents Tebboune et Macron et concrétisé par la visite du chef de la diplomatie françaises Jean Noël Barrot en Algérie avait sérieusement contrecarré ses calculs politiciens à des fins électorales partisanes et nationales, lui qui est en course pour prendre la tête du parti Les Républicains pour en devenir potentiellement le candidat à la présidentielle de 2027.