Alger oppose son niet à Paris

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Attaf en visite à New York

Par M. Mansour

 

Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a affiché sa détermination à engager un «bras de fer» avec Alger pour obtenir l’expulsion de ressortissants algériens visés par des Obligations de quitter le territoire français (OQTF). Toutefois, la réponse algérienne, ferme et soigneusement argumentée dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, a rapidement inversé la situation. Paris se retrouve face à un refus catégorique de sa liste d’expulsions, accompagné d’un rappel diplomatique cinglant sur l’importance du respect des accords bilatéraux entre les deux nations.

 

Une réponse algérienne ferme et sans appel

Le communiqué précise que la liste en question a été transmise au chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie à Paris le 14 mars. Il souligne également qu’une note verbale, traduisant la réponse d’Alger, a été remise hier par le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Lounès Magramane, au chargé d’affaires de l’ambassade de France à Alger. «L’Algérie réaffirme son rejet catégorique des menaces et des velléités d’intimidation, ainsi que des injonctions, des ultimatums et de tout langage comminatoire», affirme le communiqué.

 

La méthode française remise en cause

Ainsi, Alger ne se contente pas de rejeter le fond du dossier. La méthode employée par Paris est également vivement critiquée. «Sur la forme», précise la même source, «l’Algérie a fait valoir que la France ne pouvait, unilatéralement et à sa seule discrétion, décider de remettre en cause le canal traditionnel de traitement des dossiers d’éloignement». Cette mise au point souligne une réalité diplomatique essentielle, selon laquelle la gestion des dossiers d’expulsion est encadrée par des procédures bien établies et non par des décisions unilatérales dictées par une seule partie.

Dans ce contexte, Alger a invité la partie française à «respecter la procédure établie en la matière», rappelant que ce processus passe par les préfectures françaises et les consulats algériens compétents, avec un traitement «au cas par cas». Une manière de rappeler à Paris que le respect des règles ne peut pas être contourné pour servir des intérêts politiques internes.

 

Une base juridique solide

Sur le fond, Alger ne laisse rien au hasard. Le communiqué s’appuie sur des accords bilatéraux précis et rappelle que «le protocole d’accord de 1994 ne peut être dissocié de la convention de 1974 sur les relations consulaires», laquelle reste «le cadre de référence principal en matière consulaire entre les deux pays». Sur ce point, on insiste sur le fait que «la mise en œuvre de l’un ne doit pas se faire au détriment de l’autre», soulignant ainsi que la France ne peut pas choisir de n’appliquer que les parties des accords qui lui conviennent.

 

Retailleau entretient la logique d’escalade

Après avoir démonté, point par point, tant la méthode que le fond du dossier présenté par la France, Alger a officialisé son refus de donner suite à la liste soumise par Paris, marquant ainsi un tournant dans ce bras de fer initié par Bruno Retailleau. «Les autorités françaises ont été invitées à suivre le canal d’usage», rappelle le communiqué. Pourtant, la réaction du ministre de l’Intérieur ne semble pas emprunter cette voie. Quelques heures seulement après l’annonce d’Alger, il déclarait sur la chaîne d’information en continu BFMTV que la France «déclenchera sa fameuse riposte graduée», conformément à la décision prise lors du comité interministériel sur l’immigration deux semaines plus tôt.

En somme, là où Retailleau espérait imposer sa ligne dure, l’Algérie a opposé une fermeté implacable, s’appuyant sur les accords bilatéraux et le principe intangible de souveraineté nationale. Cette impasse diplomatique s’inscrit dans un contexte plus large où la dégradation des relations entre les deux pays reflète la montée en puissance de l’extrême droite en France, dont l’influence, insidieuse et corrosive, a progressivement gagné les cercles de la droite traditionnelle et même du centre. Désormais, les calculs électoraux prennent le pas sur la raison d’Etat, redessinant les priorités politiques. Pris dans une spirale de surenchère extrémiste, ces responsables, encouragés par la faiblesse d’un président en fin de mandat, se comportent comme des électrons libres, façonnant déjà le paysage de 2027.