Entrepreneuriat social, du business au service de la collectivité

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Entrepreneuriat social, du business au service de la collectivité
Entrepreneuriat social, du business au service de la collectivité

L’intérêt collectif peut-il être le leitmotiv d’une activité économique ? Peut-on réellement remplir une mission sociale tout en étant un entrepreneur qui fait du gain ? C’est la noble mission des entrepreneurs sociaux. En Algérie, ces idées entrepreneuriales foisonnent, certaines réussissent à éclore en projets viables, mais les défis à relever restent nombreux.

Au centre algérien pour l’entrepreneuriat social et solidaire (ACSE), situé à Alger-Centre, les porteurs de projets rejoignent cet incubateur avec une idée qui résout une problématique à caractère social ou environnemental. Ils souhaitent se former pour transformer cette idée en un projet économique viable.

La directrice de ce centre, Meriem Benslama, indique que l’ACSE a formé depuis sa création 170 entrepreneurs. Le centre a été créé en 2016. Sa mission : la sensibilisation à l’entrepreneuriat social. Deux années plus tard, en 2018, l’incubateur a été lancé pour accompagner les futurs entrepreneurs dans la concrétisation de leurs projets sociaux.

«Au sein de notre centre, nous accompagnons les projets qui répondent à un des 17 objectifs de développement durable mis en place par l’ONU. On lance deux appels à candidatures par an. Les candidats retenus vont bénéficier d’un accompagnement de six mois. Pendant cette période, les futurs entrepreneurs sont formés à l’entrepreneuriat social. On participe également à trouver des partenaires économiques pour eux», précise-t-elle.

«Ici, nous parlons de bénéficiaires et non de clients»

Meriem Benslama revient sur certaines fausses idées qui orbitent autour de l’entrepreneur social et qui créent la confusion. Elle explique que l’entrepreneuriat social fait partie de l’économie social et solidaire. Il est donc possible d’entreprendre dans tous les secteurs économiques.

L’entreprise sociale crée des services ou produits qui résolvent une problématique sociale. Elle a également un impératif de rentabilité. Il s’agit bel et bien d’un business.

«L’entrepreneuriat social est une façon d’entreprendre. Comme toute entreprise, il faut générer des gains. Cependant l’argent n’est pas une fin en soi mais un moyen pour agrandir son impact social. L’entrepreneur social ne doit pas perdre de vue sa mission sociale», explique Meriem Benslama.

Meriem Benslama fait savoir qu’il existe une multitude de modèles économiques. L’entrepreneur social doit trouver celui qui convient à son entreprise. Elle donne l’exemple d’une entreprise qui créé des filtres à eau permettant à des populations pauvres dans des régions enclavées d’avoir de l’eau potable.

«Ici, nous parlons de bénéficiaires et non de clients. Cette population n’a pas les moyens de s’acheter ces filtres. L’entrepreneur va démarcher des ONG qui vont acheter ces filtres au profit de la population en question. D’autre modèles existent, il faut que l’entrepreneur fasse preuve d’ingéniosité pour trouver ce qui est en adéquation avec son produit», souligne-t-elle.

Elle ajoute que l’entrepreneur social peut également travailler avec des collectivités locales.

Nécessité de légiférer l’entrepreneuriat social

Sur les 170 projets accompagnés par l’incubateur ACSE, 38% ont créé des entreprises. Les raisons qui poussent les 60% à abandonner sont diverses. Cependant, l’inexistence d’un statut juridique pour l’entrepreneur social est un des facteurs d’abandon.

«L’entreprise à caractère social n’a aucun statut juridique en Algérie. Il est contraint de créer une entreprise classique et subir le poids de la fiscalité. L’entreprise sociale ne peut pas être considérée comme une entreprise classique.»

Aujourd’hui en Algérie, il existe un modèle hybride de l’entreprise sociale. Ils créent à la fois une entreprise et une association. «Il faut savoir que l’entreprise sociale a des activités lucratives et non lucratives. En l’absence de statut qui permet d’englober tout cela, les entrepreneurs sociaux choisissent deux statuts différents. Il est nécessaire aujourd’hui que les autorités concernées définissent clairement le statut de l’entrepreneur social pour permettre à ces entrepreneurs de s’épanouir», informe Mme Benslama.

Elle estime que cette action doit se faire en concertation avec les acteurs de cet écosystème. Elle cite quelques actions à entreprendre, notamment la définition du problème social et le modèle économique. La gestion de l’excédent de la trésorerie. Définir le mode de gouvernance, etc.

«Si on prend par exemple la gestion de l’excédent de la trésorerie, c’est une condition dans l’entrepreneuriat social de réinvestir le surplus généré par l’activité économique. Concernant le mode de gouvernance, certaines entreprises sociales impliquent toutes les parties prenantes du projet, notamment les partenaires», précise-t-elle.

L’exemple Safitech

Sami Moffouki fait partie de ces entrepreneurs sociaux qui bravent les difficultés. Son projet, un système d’irrigation intelligent doté d’une précision optimale, baptisé Safitech.

Basé à Oran, Sami Moffouki explique que ce système permet de collecter des données agricoles d’une grande précision qui seront utilisées pour développer un programme d’irrigation adaptée aux besoins de la plantation. Safitech optimise la consommation d’eau, accroît le rendement de la terre et réduit l’empreinte environnementale.

«Pour faire simple, il s’agit d’une console qui sera installée dans l’armoire de l’agriculteur et qui permet de gérer à distance l’irrigation. Un système muni de capteurs est installé dans le gouteur d’irrigation. Grâce au capteur, on relève la qualité de la terre, sa salinité, les données météorologiques, la quantité d’eau et bien d’autres données qui permettent de calculer la quantité d’eau nécessaire avec une très grande précision», explique-t-il.

Cette technique a fait ses preuves sur une culture de maïs à Oran. Grâce à ce système d’irrigation, la récolte qui prend habituellement six mois a été réalisée en seulement trois mois. La quantité de maïs a également été optimisée, selon Sami Moffouki.

«La quantité de maïs par hectare a doublé. On est passé de 500 kg à une tonne par hectare. Il faut cependant veiller à ce que les capteurs remontent les bonnes données. C’est ce qui permet à l’algorithme de développer un programme d’irrigation efficace», indique-t-il.

Qu’ils soient dans l’agriculture, le tourisme responsable, ou encore l’aide à la personne, des projets ambitieux tentent de venir à bout des problématiques sociales en attendant que cette forme entrepreneuriale soit reconnue.