Par Zine Haddadi
Après les déclarations du président Tebboune lors de sa dernière rencontre avec la presse nationale jugées positives en France et perçues comme un bon signal par la porte-parole du gouvernement français Sophie Primas, le ministre de l’Intérieur du gouvernement Bayrou, Bruno Retailleau, a poursuivi sa «guerre» contre l’Algérie sur CNews, une des chaînes de Vincent Bolloré où l’Algérie Bashing est devenu une ligne éditoriale ces derniers mois.
Le locataire de la place Beauvau a ressorti sa «riposte» graduée et usé d’un ton menaçant envers l’Algérie. «Soit le régime algérien accepte de libérer Boualem Sansal, soit nous n’aurons pas d’autre choix que de monter dans les tours», a-t-il menacé.
Cette posture individuelle de Bruno Retailleau a de quoi susciter des interrogations sur ses intentions et ses objectifs à travers le maintien de la situation de crise dans les relations entre Paris et Alger.
Réellement, qui a intérêt à ce que les tensions des relations franco-algériennes persistent et ne trouvent pas de solution ?
Il ne faut pas sortir de Saint Cyr pour affirmer que la persistance de la crise diplomatique entre Paris et Alger est profitable aussi, bien évidemment, au Maroc et l’est tout autant pour la droite et l’extrême droite bien que les motivations des uns et des autres soient différentes.
Il suffit de remonter aux origines du point de départ de la crise actuelle, à savoir la reconnaissance du plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental par le président français Emmanuel Macron. Le locataire du palais de l’Elysée a vu son parti absorbé par la droite avec laquelle il a été contraint de former un gouvernement pour éviter que Matignon bascule soit vers la gauche soit vers l’extrême droite.
En mai 2023, Eric Ciotti, l’une des personnalités françaises de droite les plus hostiles à l’Algérie et Rachida Dari, actuelle ministre du gouvernement Bayrou avaient fait le premier pas de la reconnaissance de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Un peu plus d’une année plus tard, en juillet 2024, Macron a franchi le pas, poussant la France officielle vers le chemin tracé par le parti de droite Les Républicains.
Deal entre la droite et le Maroc
Lors d’une conférence de presse tenue à Alger en réaction à l’initiative française, le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, avait parlé de «transaction». C’est justement le terme qui cadre le mieux avec la nouvelle position française et ses retombées sur ses relations avec le Maroc.
Une transaction dans laquelle ont participé plusieurs parties. Maroc, droite, patronat français, les intérêts des uns et des autres ont convergé dans ce qui apparaît comme un deal au détriment de la légalité internationale.
En contrepartie de cette reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental, le Makhzen, quitte à s’endetter lourdement, a ouvert les portes à une partie du patronat français avec des mégaprojets à travers le royaume du Maroc.
La droite, et par ricochet l’extrême droite, a hérité de la mission de s’attaquer à tout ce qui est algérien menant au sein du gouvernement à travers Bruno Retailleau à une crise sans précédent entre la France et l’Algérie. La droite via Retailleau s’acquitte aisément de ce rôle puisque la haine de l’Algérie fait partie de son ADN politique tout comme l’extrême droite d’ailleurs.
Ce n’est pas seulement pour les beaux yeux du Maroc que la droite et l’extrême droite ciblent quasi quotidiennement l’Algérie dans les médias. L’Algérie, comme obsession, est au cœur de leur stratégie en vue de la présidentielle française de 2027.
Au sein du gouvernement français, Retailleau n’est pas seul puisque son collègue Gérald Darmanin s’est lui aussi montré assez agressif envers l’Algérie espérant tirer quelques dividendes dans la course à la candidature à droite.
Du côté de l’extrême droite, la crise entre Paris et Alger est une aubaine voire un objectif recherché depuis des années. Depuis quelques mois, les Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Zemmour, Sarah Knafo donnent tout et innovent même en matière d’attaques contre l’Algérie.
Des propositions les plus farfelues aux mensonges et fake news, les têtes d’affiche de l’extrême droite dédiabolisée par les médias d’infos en continu, notamment ceux du magnat Vincent Bolloré, n’ont lésiné sur aucun moyen pour salir l’Algérie. Voilà de quoi ravir le palais royal à Rabat.
Dans cette répartition des rôles dans le cadre de l’attaque coordonnée contre l’Algérie, tout le monde trouve son compte. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir la droite soutenir le plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental puisqu’elle en est l’auteur en fin de compte.
C’est d’ailleurs ce qu’avait rappelé l’ambassadeur de France à Rabat dans des déclarations à la presse marocaine. «Nous avons, en 2007 (sous Nicolas Sarkozy, ndlr), été extrêmement complices dans l’élaboration du plan d’autonomie», avait-il déclaré.
Que fera Macron ?
La paternité française de l’idée du plan d’autonomie proposé par le Maroc est bien connue d’Alger. Le président Tebboune l’a bien précisé lors de sa dernière sortie devant la presse nationale. «Nous savons, et les Français le savent, que l’histoire de l’autonomie est une initiative française», a déclaré le président Tebboune à ce sujet.
S’il y a bien quelqu’un qui se retrouve coincé dans le deal convenu entre la droite et le Maroc, c’est le président français Emmanuel Macron. Ce dernier est débordé par des ministres va-t-en guerre quand il s’agit de l’Algérie, qui deviennent conciliants quand il s’agit du Maroc pour les mêmes raisons. Le dossier des OQTF en est le meilleur exemple.
Pour pratiquement les mêmes chiffres d’exécution des OQTF que le Maroc, l’Algérie est accusée de tous les maux par Bruno Retailleau et les personnalités de droite et d’extrême droite. Tout ce beau monde garde le silence face au Maroc qui a les mêmes taux d’exécution.
Les attentats de Mulhouse et de Cannes perpétrés respectivement par des individus d’origine algérienne et marocaine (tous deux sous OQTF) ont également eu droit à un traitement différent chez les politiques comme dans la presse française. Alors qu’on a presque fait endosser la responsabilité de l’attentat de Mulhouse à l’Algérie, rien n’a été dit contre le Maroc dont un ressortissant s’est rendu coupable de l’attentat de Cannes.
En cette fin de son second mandat, il est curieux de savoir comment réagira Emmanuel Macron pris entre les relations avec l’Algérie et le deal conclu par ses partenaires au gouvernement avec le Maroc. Macron qui a recadré son gouvernement sur l’Algérie est-il capable d’aller plus loin et de saisir l’occasion qui se présente pour résoudre une querelle qui n’a que trop duré ? L’avenir, très proche, nous le dira.