Algérie-France : La porte-parole du gouvernement français prône l’apaisement

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Par M. Mansour

Dans la crise diplomatique qui tend les relations entre la France et l’Algérie, le gouvernement français semble adopter un ton plus mesuré. Cette inflexion s’est manifestée hier dans une déclaration de la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, qui a souligné la nécessité d’un «apaisement» et d’éviter toute «escalade». «Personne n’a intérêt à une escalade», a-t-elle affirmé, marquant une prise de position qui contrastait nettement avec l’attitude rigide de certains membres de l’Exécutif français. Cette déclaration paraît faire écho au communiqué publié récemment par notre ministère des Affaires étrangères, lequel avait souligné que l’Algérie ne s’était pas engagée dans la logique de l’escalade.

 

«Ramener les relations avec l’Algérie au même niveau que celles entretenues avec d’autres nations»

S’exprimant à l’issue d’une réunion du conseil des ministres hier, Sophie Primas a, dans un premier temps, reproché à l’Algérie de «faire monter la tension», en évoquant notamment l’affaire Sansal, et a souligné que la France n’avait pas encore trouvé de solution. Adoptant un ton conciliant, elle a par la suite indiqué que Jean-Noël Barrot, le ministre français des Affaires étrangères, avait proposé de se rendre en Algérie pour entamer un dialogue avec le président Tebboune. «Nous poursuivons une démarche d’apaisement avec l’Algérie, mais sans naïveté. Il est essentiel d’affronter les difficultés lorsqu’elles surviennent et de travailler à ramener nos relations avec l’Algérie au même niveau que celles que nous entretenons avec d’autres nations», a-t-elle affirmé, insistant sur la nécessité impérieuse d’établir une relation d’Etat à Etat avec l’Algérie.

Les propos de Mme Primas illustrent bien l’expression populaire française «mettre de l’eau dans son vin». Toutefois, cette volonté d’apaisement ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement français. Bruno Retailleau, le ministre français de l’Intérieur, figure parmi les plus belliqueux et semble jouer une partition différente. Dans une interview parue dans l’hebdomadaire français «L’Express», il a affirmé que «la manière douce ne suffit pas» et qu’il était désormais temps d’«examiner tous les moyens à notre disposition pour remettre la relation sur de bons rails». Cette position, plus dure, alimente non seulement les tensions avec Alger, mais met également en lumière des divergences profondes au sein de l’Exécutif français, entre ceux qui prônent l’apaisement et ceux qui privilégient une approche plus musclée.

 

Retailleau recadré par la justice française

Par ailleurs, cette gestion contradictoire de la crise a été alimentée par une autre sortie controversée de Retailleau. Hier encore, il annonçait sur les réseaux sociaux l’arrestation à Paris d’un autre influenceur algérien, Rafik Meziane, accusé d’«appeler à commettre des actes violents sur le territoire français». Cependant, cette annonce a rapidement été désavouée par le parquet de Paris, qui a jugé la communication «prématurée» et rappelé que «rien n’était retenu contre la personne concernée», soulignant que «seule l’autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours et qu’une personne qui n’est pas jugée est présumée innocente». Ce recadrage public met en lumière l’improvisation et le manque de coordination dans la gestion des dossiers sensibles.

 

Des rappels à l’ordre qui en disent long

En résumé, les divisions qui minent le gouvernement Bayrou concernant la question des relations avec l’Algérie mettent en lumière un malaise profond dans la gestion de cette relation. Lors du fameux Conseil des ministres d’hier, Mme Primas a dû rappeler que la politique étrangère relève exclusivement du président de la République et du ministre des Affaires étrangères. Cette précision visait directement ceux qui ont fait de l’Algérie un enjeu politique interne, compliquant ainsi le travail du Quai d’Orsay. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a d’ailleurs réitéré ces derniers jours que «c’est au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République, que se forge la politique étrangère de la France».

Cependant, malgré ces clarifications, les contradictions internes qui traversent l’Exécutif français sont évidentes. D’un côté, Paris affirme vouloir renouer un dialogue apaisé avec Alger, évoquant même la possibilité d’une visite en Algérie du ministre des Affaires étrangères. De l’autre, les discours belliqueux, notamment ceux de Bruno Retailleau, viennent contredire cette volonté de réconciliation. Et face à ces contradictions, l’Elysée et le Quai d’Orsay semblent vouloir à reprendre la main.