La condamnation récente de Marine Le Pen pour détournement de fonds européens, assortie d’une interdiction immédiate de se présenter aux élections pendant cinq ans, redessine en profondeur le paysage politique français, d’autant plus que l’on écarte la possibilité d’un procès en appel dans des délais permettant à cette dernière de se présenter. Alors que l’extrême droite imposait son tempo à l’ensemble de la droite et influençait même le pouvoir en place, ce coup d’arrêt judiciaire brise une dynamique qui avait contraint Emmanuel Macron à composer avec une opposition radicalisée. Désormais, avec un adversaire affaibli et une droite en quête de repères, le président pourrait retrouver une marge de manœuvre précieuse. Parmi les chantiers qu’il pourrait relancer, celui de la relation franco-algérienne apparaît comme une priorité, notamment sur les dossiers sensibles de la mémoire et de la coopération bilatérale.
Un RN pris à son propre jeu
L’ascension fulgurante du Rassemblement national (RN) ces dernières années a profondément redéfini l’agenda politique en France. Sous la pression croissante de l’extrême droite et la menace persistante d’une motion de censure, Emmanuel Macron a dû composer avec une partie de l’électorat préoccupée par des enjeux identitaires et sécuritaires. La nomination de personnalités comme Bruno Retailleau, avec son discours anti-algérien ouvertement revendiqué, en témoigne. Dans un contexte de crise interne et de tensions diplomatiques avec l’Algérie, le RN a tenté de tirer profit de ces situations pour se présenter comme une alternative crédible en vue de l’élection présidentielle de 2027.
En optant pour l’abstention lors de la motion de censure qui aurait pu mettre fin au gouvernement de François Bayrou en février dernier, le RN a fait le choix d’une stratégie à long terme, privilégiant le renforcement de sa position sur l’échiquier politique plutôt qu’une victoire immédiate.
La crise diplomatique entre Paris et Alger a été habilement utilisée par le parti pour amplifier une rhétorique sécuritaire et nationaliste, dénonçant la supposée faiblesse du gouvernement face à l’Algérie. Cependant, avec la condamnation de Marine Le Pen, cette dynamique semble s’effondrer. L’image d’une extrême droite triomphante en prend un coup, ouvrant à Emmanuel Macron une brèche pour reprendre l’initiative. Moins contraint par la nécessité de ménager une partie de l’opinion, il pourrait désormais adopter une position diplomatique plus flexible, notamment vis-à-vis de l’Algérie. Ce nouveau contexte intervient alors même que les tensions entre Paris et Alger commencent à s’apaiser. Après plusieurs mois de crispations, le récent échange téléphonique entre les présidents Tebboune et Emmanuel Macron a amorcé une détente. Cet entretien marque un tournant, posant les bases d’une reprise du dialogue sur un pied d’égalité. L’occasion est donc propice à une relance des relations bilatérales, notamment sur les sujets qui continuent de peser sur les rapports entre les deux pays, comme cela avait été fait en 2022.
Retour à la feuille de route de 2022 ?
Il y a trois ans, la Déclaration d’Alger semblait annoncer une réconciliation mémorielle entre les deux pays, marquée par des engagements de la part de la France. Ceux-ci incluaient l’ouverture des archives. Il y a également eu la reconnaissance des assassinats d’Ali Boumendjel, Maurice Audin et Larbi Ben M’hidi. Toutefois, la montée en puissance de l’extrême droite et les tensions internes en France avaient freiné cette dynamique, la rendant politiquement «coûteuse». Aujourd’hui, avec un RN boiteux, le président Macron pourrait relancer cette politique sans craindre des récupérations immédiates par l’opposition.
Si la politique mémorielle reste un enjeu central, la relation franco-algérienne doit également s’inscrire dans une vision plus large. L’Algérie se positionne désormais comme un acteur clé sur la scène africaine, notamment grâce à des projets structurants comme le gazoduc transsaharien, l’essor des infrastructures portuaires et les investissements dans les énergies renouvelables. Dans un contexte où la présence française en Afrique est contestée par des puissances comme la Chine, la Russie et la Turquie, Paris doit repenser son approche. Un partenariat stratégique équilibré avec Alger pourrait non seulement renforcer les liens bilatéraux, mais aussi repositionner la France sur le continent africain. Cependant, cela aura un prix, car Alger, qui entend construire ou reconstruire ses partenariats selon une approche gagnant-gagnant, ne cédera aucun privilège allant à l’encontre de ses intérêts nationaux. Enfin, la relation franco-algérienne ne saurait être dissociée de la question migratoire, souvent source de tensions entre les deux pays. Ces dernières années, sous la pression de la droite et de l’extrême droite, le gouvernement français a adopté une ligne dure sur l’immigration en provenance du Maghreb, alimentant les crispations diplomatiques. Avec la nouvelle donne politique, Emmanuel Macron pourrait désormais privilégier une approche plus équilibrée, misant sur la coopération plutôt que sur la confrontation.
M.M.