Les Algériens et la lecture : « Au Sila, tombent tous les clichés…»

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Se rendre au Salon international du livre d’Alger, le premier week-end du début de cette manifestation, c’est prendre la pleine mesure de l’importance qu’elle représente pour les Algériens. Il suffit de voir les impressionnantes files d’attente postées devant les entrées des pavillons d’exposition. Les Algériens en ont fait, la sortie culturelle par excellence.

La 26e édition du salon international du livre d’Alger se poursuit jusqu’au 4 novembre. Le palais des expositions aux Pins maritimes accueille quotidiennement des milliers de visiteurs. Il est même difficile de se frayer un chemin parmi cette foule passionnée de lecture. Chacun y va de sa description pour parler de cet évènement littéraire ; un musée dédié au livre, une exposition littéraire, ou encore le temple du livre.

Visiteurs du Salon international du livre d'Alger
Visiteurs du Salon international du livre d’Alger

Pour Reslane Lounici, jeune homme féru de littérature, le salon du livre est le lieu où on rencontre les vrais lecteurs. « Au salon du livre tombent tous les clichés qui disent que l’Algérien ne lit pas. Il suffit d’y faire un tour pour le constater. Les stands des éditeurs ne désemplissent pas. Pour moi, le salon du livre est un lieu d’échanges et de partage qui réunit tous les passionnés de littérature. On vient pour rencontrer les auteurs, avoir des recommandations et partager nos impressions sur certaines lectures », précise-t-il.

Le salon du livre c’est aussi un espace commercial. Ces dix jours d’exposition sont une aubaine pour les éditeurs afin d’écouler leur stock. Toutes les stratégies sont bonnes à prendre. Vente dédicaces, promotions alléchantes, couvertures de livre attractives.

Au stand de la maison d’édition émiratie Darmolhimon, des coffrets de cartes de motivations attirent les passants. La gent féminine semble séduite par ce produit. Une jeune étudiante s’offre trois coffrets. « Cette année, Darmolhimon participe au salon avec principalement des livres de développement personnel et ces coffrets de citation. Il y a aussi des romans américains traduits de l’anglais. Cette maison d’édition a toujours misé sur la présentation du livre.

La couverture est pleine de couleur avec des illustrations. A l’intérieur, on trouve un marque-page. C’est un argument de vente. Une couverture percutante incite à acheter », affirme la responsable du stand Meriem Bouacha.

Au stand de la maison d’édition jordanienne Dar Al Esraa, c’est la braderie du livre. La nouvelle a évidemment fait le tour et le nombre de personnes au niveau du stand le démontre clairement. « Pour six livres achetés, le septième est gratuit. Des livres à partir de 500 DA, deux livres de Dostoïevski à 1600. Ici il y en a pour toutes les bourses. Chaque année, je viens faire le plein ici. Avec ma petite bourse d’étudiante, je peux me faire plaisir sans me ruiner », confie, Zahra, jeune étudiante de l’école polytechnique d’Alger.

Le vent en poupe pour la jeunesse

La 26e édition du salon international du livre d’Alger a mis la jeunesse au centre de sa programmation. Lors de l’ouverture, le commissaire du salon a indiqué que la programmation a été pensée en cohésion avec la préoccupation des jeunes.

Jeune public mais aussi jeune auteur. Les éditeurs misent sur une génération de jeunes romanciers algériens. Ce choix s’impose à l’éditeur naturellement, puisque cette génération écrit dans les trois langues (arabe, français et anglais). Talentueuse mais aussi assidue, des qualités qui facilitent l’accès de ces jeunes auteurs au marché du livre selon Karim Cheikh des éditions Apic. « Quand on observe le cheminement de la littérature algérienne, celle-ci a toujours fonctionné par décennie. Et chaque génération a écrit sur son époque. Cette nouvelle génération veut continuer ce processus », précise-t-il

Il y a de la créativité mais aussi de l’accompagnement par les éditeurs. Karim Cheikh explique que cet accompagnement consiste entre autres à retravailler les textes avec les auteurs. Une fois le livre publié, il faut travailler sur sa promotion sur le plan national et international.

« Les salons régionaux sont tout aussi importants. L’Algérien doit être lu dans son pays avant de conquérir le marché international », souligne-t-il. Le benjamin de la maison d’édition Apic a seulement 26 ans. Ce jeune prodige a déjà reçu le prix Assia Djebar en 2022 et le prix Ahmed Baba au Mali. Il y a aussi Mehdi Messaoudi à 35 ans, il sort son troisième livre, un recueil de nouvel intitulé « En dépit du temps ».

L’heure est à l’unité et l’engagement

Au pavillon central, l’imposant espace dédié au continent africain attire les visiteurs. Certains assistent aux conférences autour de la littérature africaine, d’autres se prennent en photo avec le portrait de Nelson Mandela. Cette année, l’Afrique est l’invitée d’honneur du salon, une idée saluée à la fois par les éditeurs et les visiteurs. « On ne connaît de la littérature africaine que les auteurs primés.

L’excellent Goncourt Mohamed Mbougar Sarr m’a personnellement incité à m’intéresser davantage à ce qui s’écrit en Afrique. Le Maghreb a souvent été tourné vers l’Europe, il est
temps, à mon avis, de se rapprocher de son continent dans tous les domaines, car il s’agit d’une grande partie de notre identité », souligne Mohamed, un visiteur du Sila.

La Palestine est aussi mise à l’honneur au salon du livre. Les jeunes manifestent leur soutien en dédicaçant un mur, avec des messages au peuple palestinien qui subit les affres de la colonisation.

Plusieurs auteurs palestiniens sont présents au Sila et animent des rencontres autour de différentes thématiques notamment « la narration de la résistance palestinienne dans le roman arabe », « le roman algérien et la taghriba palestinienne », « les valeurs du 1er Novembre et la cause palestinienne ».

La 26e salon international du livre d’Alger a donné une dimension importante au débat littéraire. Les thématiques abordées comme le soufisme, l’œuvre de Malek Bennabi et Mohammed Dib, les champs d’études africains, et bien d’autres ont enrichi le débat.