Le recteur de la mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a condamné, ce lundi, le « lâche assassinat » dont a été victime le jeune malien, Aboubakar Cissé, dans une mosquée du Gard, en France.
S’exprimant devant les représentants des cultes de la République, de la société civile et de la famille de la victime, à la mosquée de Paris où un dernier hommage a été rendu à la victime, Chems-Eddine Hafiz a souligné qu’Aboubakar Cissé est un « Chahid, assassiné lâchement« .
« Nous sommes réunis aujourd’hui debout par devoir mais le cœur profondément à terre. Nous entourons une dernière fois le corps de notre jeune frère Aboubakar Cissé, jeune homme de foi, fils du Mali, accueilli par la France, chéri de sa communauté, assassiné lâchement alors qu’il se prosternait devant son seigneur, dans l’acte le plus pur qui est la dévotion », a déclaré d’emblée Hafiz.
« Certes, il ne détenait pas la nationalité française mais qu’il vivait dans ce pays au côté de sa famille de cœur et d’âme française » et que « c’est bien la France aujourd’hui toute entière qui pleure son départ »., a t-il poursuivi.
« Nous n’oublierons jamais ce Chahid qui est mort d’une façon extrêmement barbare« , a promis Hafiz aux proches de Cissé dont il a rappelé, au passage, les nombreuses qualités. « Nous n’oublierons pas la manière dont il a quitté ce monde, fauché par la haine et l’extrême violence« , a t-il poursuivi avant de saluer les propos du Président Macron qui a voulu réaffirmé, dit-il, « au nom de la France que la haine et le racisme en raison de la religion n’auront jamais leur place en France et que la liberté du culte est intangible« .
C’est un crime terroriste et il doit être désigné comme tel
Des déclarations qui demeurent, néanmoins, insuffisante pour le recteur de la grande mosquée de Paris qui a souligné que « les musulmans de France attendent plus que de simples déclarations« . « Ce crime n’est surtout pas un fait divers, ce n’est pas un drame isolé mais un acte de haine et d’une extrême violence, d’une grande cruauté, longuement prémédité, filmé avec froideur, ponctué d’invective contre l’islam et diffusé avec un cynisme effrayant et c’est pour cela que j’affirme que c’est un attentat islamophobe. C’est un crime terroriste. Et il doit être désigné comme tel ».
Sur sa lancée, Chems-Eddine Hafiz a rendu hommage aux représentants religieux dont le Grand Rabbin Moche Lewin, le vice-président de la Conférence des Évêques, Monseigneur Dominique Blanchet, le Révérend Père Anton Gelyasov, Aumônier National Orthodoxe des Hôpitaux qui représente l’Eglise Orthodoxe, le moine zen, aumônier national hospitalier, Luc Charles qui représente l’UBF, et d’autres personnalités encore mais n’a pas hésité, au même temps, de déplorer « certaines absences ».
Hafiz pointe « la construction d’une inhumanité rampante »
« Je dois le dire, avec la sincérité d’un cœur blessé : certaines absences, certaines hésitations, ont laissé des traces » a-t-il déclaré allusion faite au ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau. Hafiz a également pointé, dans ce sillage, les tergiversations de l’assemblée nationale et le Sénat à observer une minute de silence.
« Ce n’est pas seulement un homme qu’ils oublient ; ce sont des millions de Français qui se reconnaissaient en lui qu’ils oublient », a déploré Hafiz qui n’a pas hésité à dénoncer une islamophobie avérée.
«Quand le mot « islamophobie » devient l’objet d’un débat stérile, comme s’il s’agissait d’un caprice lexical, on en nie la violence réelle. Et lorsque certains osent déclarer, sans honte : ‘Oui, je suis islamophobe’ ou que ‘dénoncer l’islamophobie, c’est promouvoir l’antisémitisme’, ou pire encore, que ‘l’islamophobie est la défense du droit au blasphème’, ils participent à la construction d’une inhumanité rampante », a-t-il analysé non sans dénoncer « un climat d’islamophobie dont ce crime est la manifestation la plus glaçante » et dont l’intention déclarée, a-t-il ajouté, est « d’humilier, de terroriser, de propager la haine et de terroriser une population ».
L’islamophobie est loin d’être un épiphénomène en France
En ce sens, le recteur de la grande mosquée de Paris a tenu à rendre hommage à François Bayrou qui, dit-il, a eu le courage de dire sans détour que « ce crime est une ignominie islamophobe ». Une islamophobie dont l’ampleur est, pour Hafiz, plus alarmante que les chiffres présentés.
« L’ADDAM, que nous avons fondée au sein du FORIF, affirme que ces données sont dramatiquement sous-évaluées. Peut-on raisonnablement penser que, dans un pays comptant plus de cinq millions de musulmans, cette haine ne serait qu’un épiphénomène ? » a-t-il avancé soulignant que la réalité est là et qu’elle appelle un sursaut.
S. LESLOUS