Par Djilali B.
La classe politique malienne s’oppose aux desseins de la junte au pouvoir à Bamako. Elle s’organise et envisage des actions de protestation pour la sauvegarde de la liberté et de la démocratie.
Pour pérenniser son règne sur le Mali, le colonel Assimi Goita a décidé de lever tous les obstacles qui se dressent devant lui : ces voix qui appellent depuis des mois à mettre fin à la transition et au retour à l’ordre constitutionnel. Les partis politiques, des associations de la société civile et des syndicats. Il opère donc un autre coup d’Etat contre la classe politique.
Les partis de l’opposition se sont donné rendez-vous pour aujourd’hui pour investir la rue à Bamako et dénoncer la volonté des putschistes de rester au pouvoir au-delà du délai de 2025 qu’ils avaient fixé pour organiser des élections. Dans le projet de loi qui abroge la charte sur les partis politiques, adopté par le Conseil des ministres, le 30 avril, Assimi Goita s’octroie le statut de président malgré son illégitimité. Ce revirement juridique est cautionné par le panel des forces vives représentées par un collège de responsables administratifs et gouverneurs et de leaders traditionnels acquis aux options des putschistes. Aucun parti d’opposition n’a d’ailleurs assisté à la rencontre de ces forces vives ni n’a participé à l’élaboration du projet de texte, qui stipule la dissolution des partis d’opposition et l’intronisation du colonel Assimi Goita, autoproclamé général, à la tête du Mali pour une durée indéterminée.
A l’occasion de cette démonstration de force à Bamako, les partis politiques rendront publique une déclaration lors de leur rassemblement. Ils invitent, par ailleurs, tous les Maliens à se joindre à eux pour «défendre la démocratie» et rejeter les conclusions des «pseudo consultations de ces forces vives qui n’en sont pas». De jeunes militants avaient déjà donné écho à cet appel de la classe politique en rendant public un manifeste des jeunes contre la dissolution des partis politiques appelant en même temps tous les jeunes maliens à les rejoindre.
Il y a lieu de relever que la junte au pouvoir à Bamako, largement saluée par une partie de la classe politique et de la population, après le coup d’Etat, s’est rarement accommodée des partis politiques et des mouvements qui réclamaient des résultats et quelques années après, le retour à l’ordre constitutionnel. Graduellement, les militaires grappillaient des pans du pouvoir pour ne laisser aucun espace à la libre expression et surtout à l’opposition à leurs projets autoritaires. Des partis sont mis à l’écart et des personnalités, dans l’évolution de cette politique d’exclusion, notamment l’influent imam Dicko, devenu persona non grata à Bamako pour avoir réclamé un calendrier pour les élections et la remise du pouvoir aux civils. Il est vrai qu’on a vite oublié son rôle dans la chute du président B. Keita.
Les Maliens réclament des comptes
La stratégie de Goita a consisté à s’attaquer d’abord aux individus, puis aux associations et syndicats avant de s’en prendre directement aux partis politiques pour instaurer, sans aucun doute, et encore une fois, une nouvelle dictature militaire. Sinon qu’est-ce qui expliquerait l’annulation de la charte sur les partis politiques ? L’abrogation de cette charte est synonyme de dissolution des partis, selon l’opposition.
Les légalistes comptent sur le Conseil national de transition, le Parlement mis en place par les putschistes ou encore sur la Cour constitutionnelle pour rejeter le projet de Goita. Mais l’espoir est ténu du fait que ces deux institutions sont acquises à la junte.
Incapable face à la classe politique qui réclame des bilans et des résultats, Assimi Goita se retrouve acculé par ses échecs et ses promesses de rétablir la paix et la sécurité dans un Mali souverain. En effet, devant tant de déconvenues, l’isolement du pays, la classe politiques et la société civile ont demandé des comptes à la junte et de revoir sa feuille de retour et d’établir un calendrier électoral. Crise politique, isolement interne avec le divorce et la défiance de la classe politique, la crise économique, persistance de la crise sécuritaire avec la recrudescence des attaques terroristes, tension avec les pays voisins, l’Algérie, la Mauritanie, et pays de la région, le Bénin et la Côte d’Ivoire, et perte de souveraineté avec la sous-traitance de la lutte antiterroriste et la sécurisation de Bamako et des sites stratégiques et prioritaires, confiées au groupe privé russe Africa Corp, l’ex-Wagner.
C’est donc un nouveau front qu’ouvre la junte militaire avec la dissolution des partis politiques pour pérenniser la transition par l’abrogation de ce qui reste de la législation républicaine. Mais le pari est risqué que de se mettre à dos une classe politique et un peuple éprouvés par plus d’une décennie de terrorisme et de chaos, de paupérisation et quatre longues années de transition sans partage et sans vision. Assimi Goita joue gros avec son tout va.