ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NABIL M.
Le premier projet de l’ambitieux programme de réalisation de 15.000 MW en énergie solaire est lancé. Pour en savoir plus, le directeur général du cluster énergie solaire, Boukhalfa Yaïci, nous explique dans cet entretien les grands défis auxquels l’Algérie doit
faire face pour valoriser cette ressource inépuisable, qui est le solaire, et contribuer ainsi au
processus de diversification du mix énergétique national.
Il y a eu hier l’ouverture des plis pour la réalisation du projet de 2000 MW d’électricité solaire photovoltaïque. On peut dire que ce premier pas est une lancée effective pour réaliser l’ambition programme de 15.000 MW d’ici 2035 ?
Je pense d’abord que c’est un signal fort de la part des autorités du pays. La démarche actuellement est en train de passer à la phase pratique, ce qui va permettre à l’Algérie de
reprendre sa place à l’échelle internationale dans ce domaine et donner plus de visibilité à
cet ambitieux programme. Il faut dire que par le passé, on n’y voyait pas très clair, car il y avait beaucoup d’annonces sans qu’il y ait de suite, mais avec cette ouverture des plis pour le projet des 2000 MW, c’est une chose très positive.
En plus, le PDG de Sonelgaz avait annoncé que d’ici à la fin de l’année, il y aura encore d’autres appels d’offres qui vont suivre, ce qui va permettre de donner de la visibilité pour tous les acteurs du secteur des énergies renouvelables, qu’ils soient locaux ou internationaux.
Nous, en tant que cluster, on a vu la présence d’entreprises algériennes, publiques et privées, en individuel ou en groupement, dans cette participation à la réalisation de ce projet, ce qui est très encourageant. Il y a aussi beaucoup d’entreprises étrangères et de groupements étrangers, notamment chinois et turcs.
2000 MW en plus du 1000 et encore un programme de 3.000 MW dès le moisde novembre prochain. À travers ces lots qui cumulent 6.000 MW, Sonelgaz peut-elle devenir leader en Afrique en matière de capacités de production en énergies renouvelables ?
Je pense que le challenge du groupe Sonelgaz est celui d’être capable de réunir les
ressources suffisantes pour pouvoir faire face à ce grand défi. Il faut que le groupe
public mobilise de la ressource, principalement humaine puis technique et, bien sûr,
financière, afin de devenir un leadeur africain en matière de capacité de production d’énergie renouvelable.
Si on lance 6000 MW en une année, c’est énorme. Aujourd’hui, il y a uniquement l’Allemagne, en Europe, qui produit autour de 6 à 7 GW par an en énergie renouvelable. Donc, ce taux de production d’énergies propres peut être intéressant pour l’Algérie, mais il faut quand même rester très prudent, concernant la disponibilité des ressources, pour bien mener cet objectif ambitieux.
Quand on parle de ressources, ce sont essentiellement des compétences de qualité et
rodées dans le domaine et aussi, en nombre suffisant, pour mener les différentes phases du projet. Il faut savoir pour ce point précis que pour lancer un appel d’offres, ça concerne
une catégorie précise de spécialistes et d’experts, et quand vous faites la réalisation, c’est une autre catégorie d’ingénieurs qui s’en charge.
Aussi, quand le projet est en EPC, c’est une catégorie d’ingénieur et quand il est en IPP, c’est une autre. Dans chaque phase, on retrouve une prédominance d’une catégorie sur une autre.
Le PDG du groupe Sonelgaz a fait savoir que le cahier des charges pour la réalisation des projets exige un taux d’intégration nationale de 35% au minimum. Les entreprises algériennes ont-elles les capacités de fournir ce taux d’intégration exigé ?
Pour ce point, je pense qu’il faudrait attendre les premières pratiques pour voir réellement où en sont les entreprises locales et le marché national dans la fourniture des équipements introduits dans la production des énergies nouvelles. À mon avis, sur un projet de 2000 MW, cela ne posera pas de problème pour la fourniture locale, mais si on est sur
un programme de 6000 MW, il faudrait quand même qu’il y ait une planification rigoureuse en termes de ressources.
C’est au niveau de nos entreprises locales qu’il faut savoir si elles seront en mesure de fournir les 35% de taux d’intégration sur une production de 6000 MW. L’enjeu est du côté de l’offre. Est-ce que les entreprises locales sont en mesure d’investir et de pouvoir répondre aux besoins du marché de la production d’énergies renouvelables, en respectant aussi les délais qui seront aussi courts.
Pour l’instant, l’offre du marché local n’est pas suffisante, car rien n’a été fait depuis plusieurs années, et les opérateurs du secteur n’ont pas investi puisqu’il n’y avait, jusque-là, pas de visibilité. Alors il faudra du temps pour que le marché soit suffisamment capable à répondre à la demande.
Quel serait l’impact de ces projets d’énergies renouvelables sur la production d’électricité en Algérie et aussi pour les exportations de cette énergie à l’avenir ?
Aujourd’hui, il y a une capacité nationale d’énergie électrique de 25.000 MW, et la pointe de consommation est actuellement, avec les pics de ces derniers jours, de 18.700 MW, ce qui permet une marge suffisante pour soutenir cette forte demande. Mais l’enjeu des énergies renouvelables est surtout pour économiser le gaz naturel. Le fait de mettre 2000, 3000 et jusqu’à 6000 MW en énergies renouvelables va assurer autour de 2 à 2,5 milliards de m3 de gaz économisés par an.
Ce qui va bien sûr permettre à l’Algérie de maintenir ses ventes de gaz à l’étranger tout en satisfaisant la demande interne qui est en hausse constante. Après, vous avez le deuxième intérêt de l’énergie renouvelable, qui est en rapport avec tout ce qui est réduction de l’effet de serre et protection de l’environnement, en plus du fait que ces projets vont faire travailler les entreprises locales, avec toute la croissance économique qui suivra cette dynamique dans ce secteur.
En termes d’exportation, aujourd’hui le marché porteur est plutôt européen, mais actuellement il n’existe pas encore de liaison électrique entre l’Algérie et l’Europe. Ce sont des projets à long terme et c’est prématuré d’en parler. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus produire pour le marché local et de l’économie pour le gaz naturel.
N. M.