Entretien réalisé par R. Akli
Brahim Guendouzi, expert en économie, nous livre dans cet entretien quelques éléments d’analyse quant aux modalités de mise en pratique de la mesure décidée récemment en Conseil des ministres prévoyant la régularisation de la situation des jeunes exerçant dans le cadre de la micro-importation individuelle à travers leur intégration dans le circuit formel du commerce extérieur.
Comment analysez-vous la décision prise récemment en Conseil des ministres de procéder à la régularisation et à l’insertion des petits importateurs informels dans les circuits économiques officiels ?
En premier lieu, cette mesure s’inscrit dans le cadre du processus complexe de lutte contre les activités informelles qui caractérisent certains domaines, dont le commerce et le commerce extérieur. En second lieu, il s’agit d’une décision qui vise à extirper ces jeunes qui pratiquent cette activité appelée «commerce de cabas», des risques qu’ils encourent en Algérie et à l’étranger, car enfreignant plusieurs réglementations. En troisième lieu, il est question de leur offrir un cadre réglementaire et une opportunité pour continuer à exercer cette activité tout en ayant une couverture légale, et donc d’être insérés dans le champ économique avec des droits et des devoirs. Toutefois, il reste un aspect méconnu touchant le nombre de ces «commerçants» et l’importance de cette activité sur le marché national.
Quelle sera la portée de cette mesure et quelles modalités devraient être mises en place pour garantir son application effective et son efficacité ?
La mise en pratique de cette mesure de légalisation du «commerce de cabas» nécessite une certaine adaptation par rapport à la réglementation des changes pour faire éviter à ces jeunes le recours au change informel, sinon ce serait inutile de les régulariser. Ensuite, déterminer la procédure douanière qui leur sera appliquée, permettant la mise à la consommation des produits importés, tout en respectant les prohibitions en vigueur. Enfin la libre commercialisation de ces produits implique logiquement une possibilité de facturation dès lors qu’il y aura implicitement une dimension fiscale aussi bien du côté du vendeur comme de celui de l’acheteur.
La mise en place d’un double taux de change pour accompagner cette régularisation est-elle réellement faisable, comme le suggèrent certains observateurs ?
Un double taux de change aurait été possible si l’Algérie avait opté pour le système des changes fixe. Or, le système adopté et déclaré au FMI est le flottement dirigé du dinar. Cela reste conforme avec la nature de l’économie nationale fortement dépendante des revenus pétroliers et de sa faible diversification. En revanche, il serait possible d’alléger le contrôle des changes en vigueur pour l’ensemble des opérateurs économiques afin de leur donner plus de flexibilité par rapport aux opérations de commerce extérieur ainsi que de l’investissement. D’ailleurs, la régularisation du «commerce de cabas» trouverait là un mécanisme adéquat pour mieux l’insérer dans les circuits formels.
Cette décision participe-t-elle d’une nouvelle stratégie globale de réorganisation du secteur de l’import, en prévision surtout de la mise en place et de l’activation de nouvelles instances pour remettre de l’ordre dans la régulation du commerce extérieur ?
Tout d’abord, la réorganisation des activités de l’importation et la création d’une agence spécialisée, obéissent plus à la logique de la diversification économique en œuvre actuellement en Algérie. Il y a une nécessité de réguler le marché national pour permettre aux producteurs locaux et aux investisseurs tant nationaux qu’étrangers de pouvoir déployer de nouvelles capacités de production sans craindre des effets de non contrôle de flux de marchandises provenant de l’étranger et se déversant dans les différents circuits de commercialisation, susceptibles de remettre en cause des parts de marché escomptées. En second lieu, il y a l’engagement des pouvoirs publics d’assurer un approvisionnement régulier et constant du marché national afin de satisfaire au mieux les besoins des citoyens et de l’appareil productif national. En troisième lieu, il existe une volonté de rendre cohérente la politique commerciale extérieure par rapport aux positionnements actuels de l’Algérie sur la scène internationale ainsi que la nécessité de maîtriser l’évolution de la balance commerciale sur le moyen terme, en anticipant les chocs externes.