Par R. Akli
La nouvelle version de la loi sur la monnaie et le crédit (LMC), approuvée récemment en conseil des ministres, cible entre autres objectifs majeurs à accélérer la numérisation de la sphère bancaire locale et à ouvrir l’écosystème financier national à des banques en ligne et aux bureaux de change officiels aux fins d’amorcer notamment la lutte contre la prolifération des circuits informels.
La loi relative à la monnaie et au crédit vise à «éradiquer les marchés noirs et à protéger les devises et l’économie nationale de ce phénomène», avait fait valoir en ce sens le ministre de la Justice, Abderrachid Tabi, lors des débats tenus récemment à l’APN sur le nouveau dispositif législatif de lutte contre le blanchiment d’argent.
Parmi les mesures inscrites dans cette optique, le projet de LMC charrie en effet une nouvelle disposition prévoyant la possibilité pour le Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) d’autoriser désormais l’ouverture de bureaux de change officiels, une fois promulguée cette nouvelle loi.
Selon des experts en économie et finance, la mise en place de ces bureaux de change pourrait effectivement aider progressivement à absorber une partie des fonds colossaux que brasse actuellement le marché parallèle, à condition que des mesures d’accompagnement soient prises pour leur permettre d’être véritablement attractifs.
Pour ce faire, estime l’économiste Mohamed Achir, il faudrait au moins envisager «quelques assouplissements à la réglementation et au contrôle de change, notamment en augmentant les plafonds autorisés en devises pour l’allocation touristique, les frais pour les soins et les formations à l’étranger, ainsi que ceux fixés pour les missions des hommes d’affaires et chefs d’entreprise».
La convertibilité du dinar étant limitée, il faut rappeler en effet qu’à l’instar des pays voisins par exemple, les bureaux de change officiels ne peuvent offrir que la possibilité de céder et non d’acheter des devises contre la monnaie nationale.
«Ils fonctionneront comme des guichets de banque»
Ces bureaux de change, nous dit à ce propos le professeur d’économie Brahim Guendouzi, «fonctionneront exactement comme le font actuellement les guichets de banque, en exerçant des opérations de change selon les taux et les procédures officielles».
Aussi, anticipe-t-il, ce nouveau dispositif devrait sans doute s’accompagner de modifications à venir en matière de réglementation liée au contrôle de change et au mouvement des capitaux, de sorte à favoriser une meilleure attractivité de ces bureaux de change.
Dans la pratique, relève l’économiste, ces derniers peuvent aider à capter une partie de fonds de la diaspora et des touristes étrangers, si la nouvelle réglementation leur permet effectivement d’accéder à des marges ou des commissions suffisamment attractives.
Selon lui, «la vraie question sous-jacente reste néanmoins de savoir si les pouvoirs publics envisagent d’accompagner la mise en place de ces bureaux de change par des actions de coercition sur le terrain contre le change informel».
Bien que strictement illégal, ce dernier, faut-il en effet le rappeler, reste toléré depuis plusieurs décennies. Pour Mohamed Achir, une possible action de répression contre le marché parallèle des devises pourrait effectivement être envisagée pour favoriser la mise en place de bureaux de change et l’organisation d’un marché officiel.
Cependant, soutient-il, il faudrait dans ce cas offrir d’autres alternatives en termes d’offre et d’accès aux devises.
Une démarche qui, selon les économistes, doit passer également par une nécessaire réduction du gap, qui atteint parfois plus d’un tiers, entre le taux de change officiel et celui informel.
D’où, en partie, la forte attractivité qu’exerce actuellement le marché parallèle sur les détenteurs de devises. Des distorsions qui, par ailleurs, pourraient être atténuées à terme à la faveur de la politique de revalorisation du dinar que prônent actuellement les pouvoirs publics.