Ce que cachent les attaques de Bruno Retailleau

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Zine Haddadi

 

Au sein de la classe politique française, notamment pour la droite et l’extrême droite, l’Algérie est le thème de prédilection pour s’assurer une visibilité alors que la présidentielle de 2027 est déjà dans toutes les têtes.
L’Algérie obsède les hommes politiques à droite comme à l’extrême droite. Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur du gouvernement Barnier en est le parfait exemple.
En effet, en moins de deux semaines en poste, le nouveau locataire de la place Beauvau a évoqué l’Algérie pratiquement dans toutes ses interventions médiatiques.
Lors de sa dernière intervention jeudi sur les ondes de la radio RTL, Bruno Retailleau a démontré que pour lui comme pour ses compères de la droite et de l’extrême droite, évoquer l’Algérie relève de l’obsession idéologique et ne repose pas sur des arguments.
En abordant la collaboration avec les pays d’origine des personnes expulsées en vue de leur retour chez eux, Bruno Retailleau n’a cité que l’Algérie comme exemple de pays récalcitrants sur tous les pays possibles. Retailleau conditionne la «politique de visas à l’octroi des laissez-passer». «Pour les pays qui vont être récalcitrants, il y a la politique des visas : on octroie à l’Algérie
200 000 visas pour 2000 OQTF (NDLR, Obligation de quitter le territoire français). C’est déséquilibré et je veux la réciprocité», a-t-il déclaré citant nommément l’Algérie comme exemple négatif alors que pour les mêmes chiffres, voire moins le Maroc a droit à une bienveillance du nouveau locataire de la place Beauvau.
En 2023, 238 000 visas ont été accordés aux ressortissants marocains pour seulement 1680 retours forcés sur leur sol, selon Retailleau. Or, contrairement au ton ferme utilisé quand il a fallu évoquer l’Algérie, ce dernier a prôné le dialogue avec le Maroc.
«Par exemple, le Maroc, c’est un pays ami, que je respecte énormément. J’ai déjà eu mon homologue le ministre de l’Intérieur, nous allons d’abord dialoguer», a-t-il annoncé. Une différence dans le ton qui montre que le traitement réservé à l’Algérie dépasse de loin l’aspect migratoire.
Pourtant, l’Algérie et le Maroc font jeu égal sur le taux de personnes expulsées proportionnellement aux personnes expulsables avec 7% selon un rapport d’activité de 2023 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté cité par BFM TV.  A ce sujet, Bruno Retailleau a parlé de trois leviers pour contraindre les pays d’origine à accepter le retour des migrants expulsés de France.

 

L’Algérie, thème préféré de Retailleau 
Comme levier supplémentaire, le nouveau ministre français de l’Intérieur a également proposé de conditionner l’aide au développement à l’octroi des laissez-passer par les pays d’origine. «Certains pays, on les subventionne avec les aides au développement. Désormais, cette aide sera conditionnée», a-t-il prévenu.
Bruno Retailleau ne se fixe pas de limites. Ainsi, il veut augmenter les tarifs douaniers pour les pays qui ne coopèrent pas en matière de laissez-passer consulaires. «On est en train de négocier à Bruxelles le mécanisme de préférence commerciale : jouer sur les tarifs douaniers pour les pays qui ne respectent pas leurs engagements pour les OQTF. Je n’écarte rien», a-t-il ajouté.
S’il n’a pas cité l’Algérie dans les deux autres mesures qu’il prévoit d’appliquer en plus du chantage au visa, il est clair qu’elle figure au moins dans la liste des pays concernés.
Depuis sa nomination, Bruno Retailleau a évoqué à plusieurs reprises les accords migratoires signés avec l’Algérie en 1968. Interrogé sur la nécessité de leur révision, Retailleau a déclaré sans hésitation qu’il était favorable. «Oui, c’est ma position», avait-il indiqué sur le plateau de TF1 quelques heures après l’annonce du nouveau gouvernement dont il a hérité du ministère de l’Intérieur.
Quelques jours plus tard, il est allé plus loin expliquant sa position sur les accords de 1968. «Je n’ai aucun tabou. C’est un accord déséquilibré, très avantageux pour l’Algérie, désavantageux pour la France», a-t-il déclaré à ce propos.
En deux semaines, Retailleau aura réussi une chose : satisfaire l’extrême droite qui n’a pas manqué de se réjouir de ses déclarations notamment sur l’Algérie.
Le thème privilégié de la campagne électorale de la présidentielle de 2027 est déjà désigné. C’est sur l’hostilité à l’Algérie que la droite et l’extrême comptent convaincre leur électorat abreuvé de discours anti-algérien dans les chaînes d’information en continu.

 

Une obsession plus idéologique qu’autre chose 
L’obsession de Bruno Retailleau sur l’Algérie et les migrants en règle générale est contrariée par la réalité économique en besoin de main-d’œuvre étrangère.
Un pays comme l’Italie, dirigé par un gouvernement d’extrême droite qui s’est fait élire sur une thématique anti-migrants, est en train de faciliter l’arrivée d’étrangers pour les besoins du marché de l’emploi.
Mercredi 2 octobre, Rome a adopté un nouveau règlement sur la migration dans le cadre du «décret sur les flux», qui comprend un quota accru pour les travailleurs migrants non européens autorisés à travailler en Italie.
Ce quota supplémentaire «expérimental» pour les aidants naturels s’ajoute aux 452 000 visas de travail annoncés pour la période 2023-2025, soit une augmentation de près de 150% par rapport aux trois années précédentes.
L’objectif du gouvernement est «de simplifier les procédures autant que possible, de réduire les délais d’attente et, en même temps, d’établir des règles claires qui sont plus difficiles à contourner», a expliqué le sous-secrétaire au Premier ministre, Alfredo Mantovano, lors d’une conférence de presse qui a suivi le Conseil des ministres.
Il en ressort que l’obsession pour les migrants et pour ceux venant d’Algérie tout particulièrement est d’ordre purement et simplement idéologique en France. L’Algérie, ça fait vendre et Retailleau ne s’en prive pas, pour le grand bonheur de l’extrême droite qui a trouvé en lui la parfaite rampe de lancement de son discours anti-algérien dont les origines remontent jusqu’aux nostalgiques de l’époque coloniale dont fait partie M. Retailleau pour qui «la colonisation, c’est bien entendu des heures qui ont été belles».