Connu pour sa pertinence et son humour décapant dans ses papiers pour la presse,
ses romans et ses caricatures pour ceux qui s’en souviennent, le journaliste et écrivain Chawki Amari pratique le cinéma depuis maintenant de nombreuses années.
PAR DELLOULA MORSLI
Journaliste et écrivain, Chawki Amari a publié de nombreux ouvrages, notamment « Nationale 1 » et « Balak ». Géologue de formation, il est journaliste reporter, chroniqueur, caricaturiste et illustrateur, reconnu pour son talent et son impertinence. Après « Point Zéro », il revient au quotidien El Watan avec une page dédiée au septième art intitulée « Cinémo ». Il est également comédien. D’ailleurs, il nous parle de cette partie de sa vie dans un entretien décalé, avec l’humour qu’on lui connaît.
Quel est votre premier souvenir de cinéma ?
Je n’ai plus de mémoire, ce qui m’arrange un peu, je me sens mieux avec un disque dur plus léger. Mais je crois que mon plus vieux souvenir de cinéma est le 21 juillet 1969, j’avais 4 ans et mes parents m’ont réveillé en pleine nuit pour voir la mission Apollo poser le pied sur la lune, c’était retransmis en direct à la télévision, avec le décalage américain.
Je ne comprenais pas bien ce qu’il se passait mais je sentais que c’était très important, on était massés autour d’un petit téléviseur en noir et blanc, un peu plus tard, j’ai réalisé combien étaient puissantes les images. Oui, la question était autour du cinéma et c’était de la télévision, du documentaire en direct. Mais certains expliquent que c’était du cinéma, mis en scène par Stanley Kubrick. Bref, vrai ou pas, ça reste quand même du cinéma et plus tard encore je me suis intéressé à Kubrick et ses œuvres. Du grand cinéma.
Comment avez-vous mis les pieds dans ce monde ?
D’abord, il y a un passage évident entre la littérature et le cinéma, des mots mis en images grâce à la technologie, peut-être que si Apulée ou Homère, premiers écrivains de fiction avaient eu une caméra, ils auraient probablement filmé leur imagination.
Ensuite, Alger est une petite ville, tout le monde se connaît, donc je connais le milieu
du cinéma et grâce à mon visage extraordinaire et mon physique impressionnant, c’est tout naturellement que je suis devenu acteur, scénariste et clapman à l’occasion.
Pourquoi le rôle du père autoritaire ?
Ce rôle m’est souvent confié, c’est vrai, sûrement à cause de ma tête. Malgré un cœur pur, une sociabilité et une jovialité à toute épreuve, un côté intello rigolo, je donne l’impression d’être méchant. Je pense que c’est l’articulation entre les commissures de mes lèvres et le bas de mes joues. Ou alors le regard, ou la démarche, je ne sais pas trop, j’ai demandé à ChatGPT, il n’a pas trouvé de réponse convaincante.
Après «Point Zéro», «Cinémo»… Pouvez-vous nous en parler ?
Ce n’est pas une succession chronologique, j’ai commencé à faire du cinéma avant d’arrêter Point Zéro, comme je fais aussi du dessin, de la peinture et de la musique, pour moi c’est un processus global de création, tous les arts n’en sont qu’un. Quand j’écris des romans, c’est souvent cinématographique, et quand je joue, j’aime bien danser. Non, là je plaisante, ma fiancée déteste quand je danse.
Mais bref, Point Zéro, ce fut un temps, 10 ans, et là je commençais à tourner en rond, comme le nom de cette chronique l’indique. En plus, le contexte, national et international, ne s’y prête plus, la presse c’est fini, ici et ailleurs. Demain j’attaque la sculpture sur plomb, je verrais.
Vous qui êtes auteur, pensez-vous réaliser un film un jour ?
Oui, j’y pense très souvent, j’ai déjà plusieurs scénarios, courts, longs, documentaires, mais j’hésite. Le cinéma ce n’est pas comme la littérature où on peut écrire dans sa cuisine, tout seul, avec un fond de Khaled qui chante.
Pour faire du cinéma, il faut de l’argent, une équipe, des comédiens, techniciens, des
autorisations de tournage et un producteur, qui souvent sont des voleurs, j’en ai fait plusieurs fois l’expérience et je peux donner des noms si vous insistez (rires). Mais bon, je
me suis promis avant de mourir que je ferais un film de 3 minutes. Sur la vie.
Quels sont vos projets cinématographiques actuels et futurs ?
Les projets, il y en a beaucoup. Chaque semaine, je monte un projet, qui reste souvent dans les tiroirs, livres, films, docs, émissions TV, Web Series, land art, vidéos expérimentales, BD, reportage, sculpture, album de musique.
J’aimerais être 3, moi qui fais les projets et les 2 autres qui les réalisent. Mais je me suis promis, avant de mourir je lègue mon armoire à tiroirs à ma fille. Là, en ce moment j’aimerais monter une série de courts métrages (elle est plus ou moins écrite) qui sont en fait tous reliés mais que l’on peut voir individuellement sans voir les autres, une cohérence globale mais au détail autonome.
J’avais appelé ça le cinéma cachir, tu peux tout prendre, la moitié ou juste une tranche, bel mizan. Mais comme je le disais, ça coûte cher, enfin pas trop, donc s’il y a un producteur, qui n’est pas un voleur (rires), Marahba.
D. M.