Contrôle des frontières : Le Conseil de l’Europe demande à l’Espagne de suspendre sa coopération avec le Maroc

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Contrôle des frontières : Le Conseil de l'Europe demande à l'Espagne de suspendre sa coopération avec le Maroc

PAR AMAR R.

Le conseil de l’Europe a implicitement condamné le Maroc pour les violations répétées des droits humains des migrants aux portes de l’Europe, notamment à Ceuta et Melilla, et exige de l’Espagne de suspendre sa coopération avec Rabat en matière de contrôle des frontières et à toutes les activités communes qui conduisent à des violations des droits de l’homme.

Après la condamnation internationale contre ces deux pays, c’est au tour de l’Europe de dresser un diagnostic particulièrement sévère sur le drame de Melilla durant lequel au moins 23 migrants sont morts, plusieurs centaines ont été blessés et certains sont considérés comme disparus, en exigeant des changements radicaux dans la gestion de l’immigration, en particulier dans cette ville autonome et à Ceuta.

Dans un rapport publié hier sur la visite qu’elle a effectuée en Espagne en novembre, et qui comprenait notamment une étape à Melilla, la commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, assure qu’il existe des « rapports cohérents » qui prouvent que le Maroc a utilisé la violence contre eux, qu’ils ont été soumis à des mauvais traitements graves et que « les autorités espagnoles le savent ou devraient savoir ».

Elle fait également allusion à l’épisode de l’entrée massive de plus de 8000 personnes du Maroc à Ceuta du 17 au 19 mai 2021, dont 6000 ont été immédiatement expulsées.

L’Espagne était au courant que le Maroc maltraitait les immigrés

La responsable des droits de l’homme du conseil de l’Europe s’inquiète car, bien qu’elle ait déjà écrit au ministre de l’intérieur Fernando Grande-Marlaska pour demander un examen de la coopération avec le Maroc « afin de prévenir de futures tragédies », elle estime qu' »aucune mesure concrète n’a été prise, pour faire en sorte que la coopération avec le Maroc dans le domaine de l’immigration et du contrôle des frontières donne la priorité aux droits de l’homme ».

Et ce, notamment en garantissant un accès réel et effectif à l’asile, en prévenant le refoulement, en traitant humainement toutes les personnes, quel que soit leur statut juridique, et le respect des garanties d’une procédure régulière en cas d’expulsion.

En outre, la transparence et la responsabilité totales en ce qui concerne les pratiques de contrôle aux frontières ne semblent pas avoir été renforcées.

Aussi, la commissaire européenne Dunja Mijatovic appelle les autorités espagnoles à examiner les circonstances et les politiques plus larges liées à la coopération migratoire avec le Maroc, notamment la suspension d’activités de coopération spécifiques qui, directement ou indirectement, contribuent à des violations des droits de l’homme.

Elle exige ouvertement que le gouvernement espagnol ordonne aux forces de l’ordre d’agir
conformément aux normes internationales relatives aux droits humains lors de la détention de migrants aux frontières de Ceuta et Melilla (villes espagnoles d’Afrique du Nord), ce qui inclut « une interdiction explicite et immédiate » des expulsions.

L’Espagne a « l’obligation absolue » de veiller à ce que toute personne qui a été sous sa juridiction, une fois expulsée, ne soit pas maltraitée, torturée ou sa vie mise en danger. Et cela même si cette personne a tenté de traverser la frontière en sautant la clôture ou en violant les canaux d’entrée régulière sur le territoire espagnol, a-t-elle souligné.

Plus de canaux pour les demandeurs d’asile

Malgré les appels répétés de l’institution basée à Strasbourg (France) et les recommandations de fournir aux fonctionnaires des « conseils clairs et obligatoires » sur la manière d’agir lors de l’interception de migrants aux frontières de Ceuta et Melilla, Mijatovic continue de noter que « des garanties adéquates font défaut » contre les expulsions automatiques.

« Il ne semble pas y avoir d’autre moyen d’entrer en Espagne, à la frontière de Melilla, en quête de protection que de nager ou de sauter la clôture, au péril de sa vie », dénonce-t-elle dans son rapport où elle conclut qu' »il n’y a pas d’accès réel et effectif » à l’asile à la frontière de Nador et Melilla.

Elle souligne également que le médiateur et le bureau du procureur ont clos les enquêtes qu’ils avaient ouvertes sur le saut de la clôture de Melilla le 24 juin.

Et surtout, que le ministère public l’a fermée parce qu’il a conclu qu’il n’y avait rien à reprocher aux forces de l’ordre. Et ce faisant, Dunja Mijatovic appelle à améliorer les canaux de dépôt des demandes d’asile dans les consulats et les ambassades, en particulier en facilitant l’accès des personnes intéressées pour atteindre les bureaux dont dispose l’Espagne aux postes frontières de Ceuta et Melilla, afin de réduire les tentatives de franchir la clôture de manière irrégulière.

A. R.