Dans l’entretien qu’il a accordé à «l’Algérie Aujourd’hui», le Directeur de la prospective au ministère de l’Energie, Miloud Medjelled, est revenu sur les perspectives de développement du marché de l’hydrogène en Algérie et l’avenir du gaz naturel dans le mix énergétique mondial, ainsi que les nouveaux défis à relever pour réussir la transition énergétique.
Propos recueillis par Abdellah B.
Un groupe de six sociétés a signé un mémorandum d’entente pour la réalisation du tracé du corridor SoutH2. Peut-on considérer cette avancée comme un premier pas dans l’industrie de l’hydrogène en Algérie ?
A mon sens, le premier pas a été fait lors de l’élaboration de la Stratégie nationale de développement de l’hydrogène qui a été approuvée par les pouvoirs publics et adoptée par le Conseil des ministres en décembre 2022. C’est un document qui trace la voie pour l’industrie de l’hydrogène en Algérie et qui a été suivie par le lancement des travaux de l’élaboration des textes de loi régissant cette activité. Il s’agit donc de la préparation d’un écosystème favorable pour entamer la phase industrielle qui s’est traduite par la signature de ce mémorandum d’entente par un groupement d’entreprises intéressé pour le développement de grandes capacités d’hydrogène vert en Algérie avec une canalisation pour l’exportation de grandes quantités à long terme. Cet accord entre six sociétés, dont Sonatrach et Sonelgaz du côté algérien, Snam et Sea Corridor du côté italien, l’allemande VNG et l’autrichienne Verbund vise à encadrer le travail de coopération. C’est un pas très important qui a été franchi. C’est le premier accord entre des professionnels qui interviennent à la fois sur le marché du gaz et de l’hydrogène. Il va permettre aux sociétés de travailler en commun sur ce projet d’envergure régionale qui est d’une importance capitale pour la sécurité énergétique du nord et du sud.
Le développement de l’hydrogène est conditionné par l’existence d’un marché propre à cette molécule. L’accord en question est-il synonyme de création du marché pour l’hydrogène ?
Effectivement, l’accord des six sociétés donnerait naissance à un marché de l’hydrogène vert dans les années à venir. Là, il s’agit d’un groupement de sociétés qui travaillent à la fois sur la production et sur la demande, ce qui signifie la création du marché de l’hydrogène. L’objectif assigné est de coordonner leur travail pour le développement de grandes capacités en Algérie et d’aller vers la réalisation d’une canalisation pour le transport de cette molécule sur le marché européen, une fois les conditions économiques réunies.
Est-ce que cela veut dire que les six sociétés vont investir dans la production de l’hydrogène vert en Algérie ?
Pour la partie allemande, VNG précisément, elle a déjà des contrats d’approvisionnement en gaz avec la Sonatrach et les deux parties sont en discussion pour la mise en place d’un projet pilote, notamment dans le transport et la production. La société autrichienne a également sollicité la Sonatrach et le ministère de l’Energie pour d’éventuels partenariats dans la chaîne de valeur de l’hydrogène vert. Nous sommes en train d’examiner cette proposition qui est pour nous très intéressante. Pour ce qui est des deux acteurs italiens, Snam reste dans tout ce qui est interconnexion et transport. Il est spécialiste dans ce domaine, c’est un régulateur sur le marché italien du gaz et de l’électricité.
On constate actuellement un recul des investissements dans les énergies nouvelles et renouvelables au niveau international, conjugué à un coût élevé de la technologie, contrairement aux énergies fossiles qui continuent à drainer des investissements. Comment réussir ce challenge de la «transition» dans ce cas ?
Les énergies fossiles seront encore à moyen terme pour l’accompagnement de cette transition. Raison pour laquelle l’Algérie continue à développer la production gazière, qui est un combustible propre, utilisé dans plusieurs domaines et qui a encore de l’avenir. Si vous prenez tous les travaux de prospectives des agences et des bureaux de consulting spécialisés, tous les scénarios montrent que les énergies fossiles resteront au-delà de 2040-2050. L’objectif est de réduire la consommation du charbon et du pétrole et de les remplacer par l’hydrogène et le renouvelable graduellement. Mais cela est conditionné par l’évolution du marché international, l’installation de cette énergie sur le marché et la mise en place des mécanismes de subventions, notamment dans les pays européens. L’hydrogène n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain. A l’heure actuelle, si on prend le mix énergétique, on a toujours des croissances, dont la demande pour le charbon qui enregistre une croissance continue, même si elle n’est pas très importante, même chose pour le pétrole. On est passé de 90 millions à 104 millions de barils par jour. Ce qui veut dire que même sur le moyen terme, il y aura toujours une demande pour les combustibles fossiles. Il n’y a pas de pic dans un mix énergétique, quelle que soit sa nature.