Par Djilali B
L’esprit de Bonaparte semble définitivement hanter l’esprit politique français. Du moins de la majorité de la classe politique, paraît-il. Après deux cinglantes défaites, en Indochine et en Algérie, la France continue de se voiler la face avec ce fichu de civilisation qui a servi de couvre-chef aux conquérants pour accomplir leur mission génocidaire.
Des indépendances plus tard, une partie de la classe politique française n’arrive toujours pas à se renouveler et se défaire de cette idéologie raciste et suprémaciste. Elle demeure enferrée dans l’adoration de l’OAS et de la nostalgie de l’Algérie française. Par la négation de ses préjudiciables faits historiques, crimes historiques est le terme le plus adéquat pour désigner les massacres à grande échelle commis par la colonisation, la France occulte un pan de son passé, toutefois, l’Algérie s’invite, non pas par elle-même, mais par le fait de responsables politiques français en manque de programme, de vision et d’imagination, pour combler leur déficit et alimenter leur narratif «électoraliste».
Cet état d’esprit est consacré dans la loi du 23 février 2005 valorisant la colonisation et ses bienfaits, faite principalement pour faire taire toute velléité de contestation de la version. C’est-à-dire fermer la voie devant toute possibilité de débat. Ce que tentent d’imposer les partis politiques français depuis des semaines pour éviter le débat sur la colonisation et la guerre d’Algérie, mais qui ont abusé de références à l’Algérie que le débat s’est imposé de lui-même malgré les tentatives de l’en empêcher, y compris dans les médias publics (le cas Apathie, la déprogrammation sans motif d’un documentaire sur l’utilisation de gaz interdits pendant la colonisation…). Peine perdue, le négationnisme ou le révisionnisme ne prend pas là où le véritable débat sur la colonisation et ses crimes a déjà pris et s’est installé. La tension avait atteint son paroxysme lorsque le Parlement avait imposé la loi du 23 février au président français, Jacques Chirac, contraint alors à saisir le Sénat pour atténuer le texte controversé. Les journaux «Libération» et «Le Monde» avaient eu le courage et le mérite d’enquêter sur les pratiques «criminelles» des soldats français pendant l’occupation, des pratiques qui se sont affinées et généralisées pendant la guerre de Libération nationale. Les révélations sur les tortures dont avait été victime la militante Louisette Igilahriz par «Libération» puis par «Le Monde» ont secoué la conscience française anesthésiée par des années d’omission. Massu et Aussaresse avaient alors reconnu avoir pratiqué systématiquement la torture sur les militants du FLN. De Gisèle Halimi à Me Verges, les révélations et les témoignages ont choqué l’opinion publique. L’on apprend ainsi que Larbi Ben M’hidi a été exécuté avec la caution de la Métropole, peu soucieuse de la vie ou du sort de l’Algérien déjà réduit au statut «peu» humain par le code de l’indigénat.
Jean Michel Aphatie s’est appuyé, entre autres, sur les écrits du général Bugeaud appelant à l’extermination des autochtones pendant la conquête. René Vautier a immortalisé avec son appareil photo et sa caméra les grottes du Dahra où ont été tuées des familles entières par fumigation. Une pratique qui va se généraliser, comme l’a démontré le documentaire «censuré» par la chaîne France 5.
Les parades pour étouffer les voix parlant de la vérité ont fini par imposer le véritable débat que tous les cercles de l’extrême droite et de ses nouveaux alliés idéologiques qui se recrutent dans la droite traditionnelle qui a perdu depuis longtemps son âme gaullienne, voulaient éviter, étouffer surtout en cette période d’incertitude mais aussi de campagne pour la présidentielle de 2027.
Et ce n’est pas tant l’Algérie ou les positions tranchées d’Alger dans la crise actuelle avec Paris qui a redimensionné ce débat, mais l’incapacité de la France officielle à assumer son peu honorable passé historique. Les documents, témoignages et débats accablent la France coloniale, mais aussi la France actuelle qui veut occulter son histoire par la censure et l’interdiction du débat.