Crise Algéro-Française. De Villepin : «Les choses bougent»

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Dominique de Villepin

Par M. Mansour

Dans un contexte où les relations entre Paris et Alger traversent une période de crise, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la France, s’est exprimé sur la nécessité d’un apaisement et d’un dialogue renouvelé entre les deux nations, laissant entendre que «beaucoup de responsables en France, dans tous les milieux politiques et économiques, expriment une grande attente» et «un espoir que les choses puissent se dénouer».

Lors d’un entretien accordé à la chaîne AL24 News, M. de Villepin a évoqué plusieurs enjeux majeurs, notamment ceux liés à la diplomatie française au Maghreb, à la question mémorielle et aux perspectives de coopération entre la France et l’Algérie. Toutefois, c’est son analyse de l’évolution de la crise entre les deux pays, ainsi que sa réflexion sur les attentes réciproques en vue d’un apaisement des relations franco-algériennes, qui retiennent particulièrement l’attention.

 

«De grandes attentes» en France

A ce propos, il a expliqué que de nombreux responsables politiques et économiques en France partagent l’attente de voir les tensions s’apaiser et le dialogue reprendre avec l’Algérie. «Beaucoup de responsables en France, dans tous les milieux politiques et économiques, expriment une grande attente. Il y a un espoir que les choses puissent se dénouer, et chacun est prêt à faire sa part et à œuvrer pour que ce qui nous sépare aujourd’hui laisse place à un dialogue constructif», affirme-t-il. Il observe néanmoins «une tentation, des deux côtés de la Méditerranée, de s’échanger quelques compliments aigres». Toutefois, il souligne que malgré ces crispations, une volonté réelle de rapprochement existe de part et d’autre : «Mais je crois pouvoir dire – et je le ressens au quotidien en rencontrant les uns et les autres – qu’il existe une véritable attente de part et d’autre. Nous avons hâte de franchir ce pas et de travailler à cette réconciliation» et «j’ai lu attentivement l’interview du président Tebboune, je vois que les choses bougent et j’aimerais pouvoir dire : je crois qu’elles bougent dans le bon sens et donc faisons en sorte que nous puissions sortir par le haut de cette crise», a-t-il ajouté.

L’ancien chef de la diplomatie française insiste également sur le fait que la relation entre la France et l’Algérie ne saurait se limiter à des considérations politiques ou diplomatiques. Il s’agit, selon lui, d’un lien profond, tissé par l’histoire, la culture et des générations de Français et d’Algériens qui partagent un destin commun. «Nous devons laisser de côté tout ce qui peut nous diviser et nous concentrer sur ce qui nous unit : la langue, la culture, l’histoire partagée», explique-t-il, insistant sur l’importance de la transmission et du «respect des mémoires».

 

Un regard tourné vers l’avenir

Si la mémoire reste un sujet central dans les relations franco-algériennes, Dominique de Villepin estime que le véritable enjeu est de regarder vers l’avenir et de répondre aux attentes des nouvelles générations. «Ce qui doit être fait aujourd’hui, c’est de se concentrer sur nos jeunesses respectives, sur nos peuples. Cela nous pousse à faire la part des choses entre ce qui est difficile et douloureux, et ce qui peut nous réunir pour avancer», insiste-t-il. Toutefois, il insiste vigoureusement sur l’importance de la mémoire et la nécessité d’un travail de reconnaissance historique. Selon lui, «des progrès ont été réalisés ces dernières années», notamment à travers «des gestes symboliques du président Emmanuel Macron».

«Le moment viendra où il faudra franchir une nouvelle étape. Il est nécessaire d’agir, et je sais que le président Tebboune en a pleinement conscience. Ce travail doit être mené en respectant le rythme des mémoires et des peuples. Il existe un moment propice où ces démarches aboutissent naturellement. Je suis convaincu que nous nous inscrirons dans cette dynamique. Pour progresser, il faut avancer pas à pas, en construisant et en consolidant nos efforts», souligne-t-il, précisant que cela doit se faire de manière sereine et réfléchie.

 

«Il ne s’agit pas seulement de déployer un effort diplomatique»

Interrogé sur le rôle de la diplomatie dans la résolution des tensions actuelles, Dominique de Villepin rappelle que la relation entre la France et l’Algérie dépasse le cadre strictement diplomatique. «L’Algérie et la France ne sont pas deux pays étrangers l’un à l’autre. Il ne s’agit pas seulement de déployer un effort diplomatique, mais d’un engagement de l’ensemble des autorités publiques, des sociétés civiles, des intellectuels et des jeunes des deux côtés de la Méditerranée», souligne-t-il. Pour ce faire, il appelle à une mobilisation collective pour favoriser le rapprochement entre les deux peuples et éviter que la relation bilatérale ne soit réduite à des considérations strictement politiques.

Conscient des défis qui subsistent, Dominique de Villepin se montre toutefois optimiste quant à la possibilité d’un apaisement dans les prochains mois. «Nous avons connu une crise, peut-être l’une des plus importantes des dernières décennies. Mais nous n’avons pas le droit de nous attarder sur nos désaccords. Nous devons avancer. Et cette exigence s’impose à nous aujourd’hui», affirme-t-il. Dans cette optique, il espère que les prochaines semaines permettront d’engager un dialogue constructif et de poser les bases d’une nouvelle dynamique entre les deux pays.

 

Des ambitions présidentielles ?

A la question de savoir s’il envisageait de se présenter à la prochaine présidentielle en France, l’ancien Premier ministre, qui bénéficie toujours d’un certain prestige en France et à l’international, a préféré éluder la question en restant concentré sur l’actualité politique et diplomatique. «Chaque chose en son temps. Il y a aujourd’hui des combats à mener pour défendre la République et ses valeurs. Je serai au rendez-vous de ce combat, avec toutes les forces qui se mobiliseront», a-t-il répondu, laissant planer le doute sur ses intentions futures. C’est d’ailleurs de la même manière qu’il a répondu à la question de savoir s’il était prêt à endosser le rôle de médiateur entre Alger et Paris, affirmant que «l’on ne s’autodésigne pas médiateur», insistant sur l’importance de se concentrer avant tout sur la satisfaction des attentes en matière de réconciliation.