Crise entre Alger et Paris : Tebboune recentre le débat

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Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune

Par M. Mansour

«Nous, nous gardons comme seul point de repère le président Emmanuel Macron». Par cette déclaration, le président Tebboune met fin au « brouhaha » politique qui enflamme la scène française. Alors que la droite et l’extrême droite, incarnées notamment par Bruno Retailleau, cherchent à exploiter les tensions franco-algériennes à des fins électoralistes, le chef de l’Etat recentre le débat en rejetant les interférences externes et en affirmant que seuls les échanges directs entre chefs d’Etat importent. C’est une manière claire de signifier que les polémiques secondaires – et ceux qui les propagent – n’ont aucune valeur aux yeux d’Alger.

 

«Tout le reste ne nous concerne pas»

Dans la même logique, lors de son entretien avec des médias nationaux avant-hier, le président Tebboune a réaffirmé que l’Algérie et la France «sont deux Etats indépendants». D’un côté, une «puissance africaine», l’Algérie, et de l’autre, une «puissance européenne», la France. «Deux Présidents qui travaillent ensemble», a-t-il précisé. «Tout le reste ne nous concerne pas», a-t-il tranché.

Il semble qu’Alger soit définitivement arrivée à la conclusion que se mêler aux polémiques futiles du gouvernement Bayrou, et plus particulièrement celles de son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui s’est arrogé les prérogatives du Président français ainsi que celles du ministre des Affaires étrangères, ne ferait que compliquer des relations bilatérales déjà fortement détériorées. Il n’est plus un secret pour personne qu’à travers sa fameuse « riposte graduée », le locataire de la place Beauvau utilise ces tensions dans le cadre d’une manœuvre politique visant à renforcer ses ambitions internes, notamment en vue de la direction de son parti, « Les Républicains », lors des primaires des 17 et 18 mai prochains. D’ailleurs, le président Macron lui-même avait mis en garde contre cette instrumentalisation politique lors de sa prise de parole à Porto, au Portugal, il y a trois semaines, lorsqu’il a souligné qu’il « ne faut pas que ces relations fassent l’objet de jeux politiques ».

 

Instrumentalisation des tensions et discours polarisants

L’expression est parfaitement choisie, car la crise entre Alger et Paris s’est rapidement transformée en un levier politique que certains acteurs de la classe politique française exploitent. En particulier la droite dure et l’extrême droite, représentées par des figures telles que Gérald Darmanin, Eric Ciotti, Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jordan Bardella, qui voient dans cette tension une occasion de nourrir leur discours nationaliste et sécuritaire, au détriment des relations diplomatiques cruciales entre les deux nations.

La stratégie de ces responsables politiques repose sur une approche cynique et dangereuse. Plutôt que de chercher à apaiser les tensions, ils exacerbent délibérément les conflits, adoptant un ton provocateur pour renforcer leur position sur des thématiques identitaires et souverainistes. Gérald Darmanin, en particulier, n’a cessé de multiplier les déclarations hostiles envers Alger, allant jusqu’à suggérer de rappeler l’ambassadeur de France et de révoquer les passeports diplomatiques des Algériens.

L’extrême droite, de son côté, pousse l’escalade encore plus loin, en présentant cette crise comme un nouveau front contre l’Algérie et l’immigration. Marine Le Pen et Eric Zemmour exploitent cette situation pour justifier des mesures radicales, telles que la fermeture des frontières et la rupture des accords bilatéraux, cherchant ainsi à imposer leur vision d’une France menacée par ses relations avec l’Algérie.

 

La culture de l’amalgame

M. Tebboune a aussi rejeté l’accusation selon laquelle l’Algérie aurait exacerbé cette crise en représailles de la reconnaissance par la France du plan d’autonomie marocain. Une idée fermement rejetée par Alger, qui rappelle que les relations privilégiées entre Paris et Rabat ne sont un secret pour personne. « Nous savons, et les Français le savent, que l’histoire de l’autonomie est une initiative française. La France n’a jamais caché son amitié avec le Maroc, et cela ne nous dérange absolument pas, contrairement à ce que certains cherchent à faire croire », a déclaré le Président algérien.

Ce message s’adresse clairement à ceux, au sein de la classe politique française, qui ont cherché ces derniers mois à expliquer la crise aiguë entre Alger et Paris comme une réaction excessive de l’Algérie face à la reconnaissance du plan d’autonomie. Ces discours, loin de contribuer à une désescalade, semblent au contraire nourrir une vision tendancieuse de la situation, ignorant les véritables enjeux diplomatiques et historiques qui sous-tendent la relation entre les deux nations.