Dans un climat géopolitique et économique tendu : L’Algérie négocie bien sa place

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Début des travaux de l'atelier régional du CISSA

Par M. Mansour

 

En l’espace de quelques jours, Alger est devenue un véritable carrefour de rencontres économiques de haut niveau, rassemblant des délégations venues de Chine, d’Arabie Saoudite, de Russie, d’Europe, du Sultanat d’Oman et des Etats-Unis. A chaque fois, la même image : des investisseurs motivés, des diplomates présents, et une volonté affichée de profondément ancrer leurs relations économiques avec l’Algérie. Au-delà de sa portée économique, cette dynamique constitue une réponse cinglante – et illustrée par les faits – à ceux qui, sur certains plateaux de télévisions étrangères, s’obstinent à entretenir le mythe éculé d’une Algérie isolée et repliée sur elle-même.

 

A l’Est il y a  la Chine, l’Arabie Saoudite, le Sultanat d’Oman et la Russie

Cette dynamique s’est accélérée à partir du 15 avril, avec, en ouverture de scène, le Forum d’affaires algéro-chinois, organisé au Centre international des conférences Abdelatif Rahal. A sa clôture, plusieurs accords ont été signés pour un montant de plus de 2 milliards de dollars dans des secteurs stratégiques – automobile, motocyclettes, infrastructures, agriculture. Mais surtout, ce forum s’inscrit dans un courant de fond : l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) enregistre déjà 42 projets chinois en cours pour une enveloppe de 4,5 milliards de dollars. Ce n’est pas de la diplomatie de vitrine. C’est une stratégie industrielle en gestation.

Cinq jours plus tard, le 20 avril, l’Arabie Saoudite confirme l’élan. Le Forum algéro-saoudien s’ouvre à Alger avec un objectif assumé : transformer des relations historiques en leviers économiques tangibles. Agroalimentaire, agriculture, tourisme, BTP : les complémentarités sont évidentes. La délégation saoudienne, conduite par des décideurs de premier plan et accompagnée par l’ambassadeur Abdullah Bin Nasser Al Bussairy, affiche une volonté claire d’ancrer sa présence. À nouveau, Alger devient un centre de gravité.

Le lendemain, c’est le Sultanat d’Oman qui s’invite à la table. Dans la continuité de la visite officielle du président Tebboune à Mascate, une délégation de haut niveau explore le champ des investissements miniers. L’Algérie dispose de richesses souterraines considérables – métaux rares, terres rares, ressources minérales – encore largement inexploitées. Mascate l’a bien compris et ce partenariat potentiel s’inscrit dans une vision de long terme. A cette fin, des réunions techniques sont prévues avec la Sonarem, l’Agence nationale des activités minières (ANAM) et l’Agence du service géologique de l’Algérie (ASGA) pour examiner les aspects opérationnels et définir les mécanismes concrets de mise en œuvre.

Le 22 avril, la Russie prend le relais. Le Forum algéro-russe dépasse le cadre du symbolique. Il s’agit d’approfondir un partenariat stratégique déjà ancien, en posant les bases d’une coopération industrielle et logistique renforcée. Les accords signés entre la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI), à la Safex et leurs homologues russes tracent les contours d’un nouvel axe économique.

 

A l’Ouest, l’Union européenne et les Etats-Unis courtisent

Mais l’Algérie ne regarde pas que vers l’Est. Elle tend aussi la main vers l’Europe. Le 23 avril, soit hier, c’est l’Union européenne qui entre en scène avec la clôture du projet de «partenariat euro-algérien pour l’investissement durable». Financé par Bruxelles et appuyé par l’AAPI, ce projet mobilise 250 entreprises européennes déjà intéressées par le marché algérien. Un second cycle est prévu dès 2026, avec jumelage d’entreprises, formations croisées et levées de barrières douanières ciblées. L’Algérie ne tourne pas le dos à l’Europe. Elle lui tend une main ferme, pragmatique, exigeante.

Enfin, l’axe Algérie-etats-Unis continue de s’étoffer. La rencontre de l’ambassadrice des Etats-Unis, Elizabeth Moore Aubin, avec le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, et ses discussions avec lui ont débouché sur des perspectives solides dans les hydrocarbures, les mines, les énergies renouvelables et les technologies de captation de carbone. Des géants comme ExxonMobil et Chevron sont à la manœuvre, avec un accent mis sur l’exploration, la production et la modernisation des infrastructures électriques nationales.

Ce foisonnement de rencontres, d’accords et d’initiatives ne relève pas du hasard. Il est l’expression d’une doctrine algérienne cohérente, fondée sur la souveraineté économique et le non-alignement actif. Ainsi, la dynamique actuelle, au croisement de l’économie et de la géopolitique, ne peut être réduite à une quête de contrats. Elle traduit un renversement d’image : l’Algérie, qui a d’ailleurs renoué avec sa profondeur africaine, n’est pas isolée, elle est courtisée. Elle ne se replie pas, elle s’impose. Elle ne subit pas, elle choisit. Et les chiffres sont là pour le rappeler.