Désinformation, deepfakes et guerre cognitive : l’Algérie prête à y faire face

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Par M. Mansour

 

Si l’on vous affirmait que l’Algérie est aujourd’hui engagée dans une guerre d’un genre totalement inédit, qui ne se livre ni sur les champs de bataille traditionnels ni avec des armes conventionnelles, vous pourriez esquisser un sourire sceptique et accoler à cette affirmation l’étiquette de «complotisme». Pourtant, cette réaction elle-même pourrait être le fruit d’un conditionnement de longue durée, rendant hermétique à ce type d’analyses, sans même chercher à les examiner. «Pourquoi nous ? Quel intérêt le monde entier aurait-il à nous déclarer une guerre ?» se demandent souvent ces sceptiques. Cette interrogation, légitime en apparence, tend cependant à occulter les réalités géopolitiques et les enjeux de souveraineté qui traversent l’Algérie. En particulier, sa volonté affirmée de mener sa politique économique en toute indépendance suscite des tensions et des résistances sur la scène internationale. Pour y faire face, l’Algérie s’est dotée de ressources et de stratégies adaptées.

La guerre dont il est question ici ne repose pas sur des affrontements classiques, mais sur des stratégies plus insidieuses s’articulant autour de la désinformation, de la manipulation algorithmique et de l’intelligence artificielle. Son objectif : fragiliser l’Etat en attaquant son image et en provoquant des fractures sociales internes. Ce type de conflit s’inscrit dans ce que les spécialistes désignent sous le terme de «guerres de cinquième génération», où l’ennemi n’est plus identifiable de manière traditionnelle. Il agit à travers des formes dématérialisées, subtiles et souvent imperceptibles, rendant la menace d’autant plus complexe à appréhender.

Une guerre de l’ombre

En prenant du recul, on constate qu’au-delà des menaces traditionnelles et hybrides (terrorisme ndlr) à nos frontières entrant dans le cadre de la guerre de 4e génération, l’Algérie doit également faire face à des campagnes médiatiques insidieuses qui se déploient à travers les chaînes de télévision, les sites d’information et les réseaux sociaux. Cette guerre informationnelle est menée par des officines installées dans des pays comme le Maroc ou la France. Ces centres de propagande orchestrent des attaques dont le but est de salir l’Algérie en jouant sur plusieurs leviers, comme la diffusion d’informations erronées et la création de polémiques artificielles, à l’instar de ce que font actuellement les médias français, en particulier la galaxie médiatique du milliardaire Vincent Bolloré, qui mène une campagne de dénigrement sans précédent contre notre pays. Pis encore, en décembre dernier, un cadre supérieur de Meta a révélé lors d’une conférence de presse que sa société avait démantelé un réseau de faux comptes liés à l’armée française, actifs sur Facebook et Instagram. Ce réseau diffusait des contenus de propagande en Afrique, notamment en Algérie, au Mali et au Niger. L’entreprise a précisé avoir supprimé 84 profils, six pages, neuf groupes Facebook et quatorze comptes Instagram, qui propageaient des rumeurs sur l’effondrement de Sonatrach, des tensions entre la présidence et l’armée, ainsi qu’une supposée implication de l’Algérie avec le groupe Wagner au Mali.

Autre exemple accablant : l’antenne marocaine de la société de désinformation israélienne Team Jorge, avec des bureaux à Rabat et Agadir. Selon une enquête menée par les journalistes exilés Adnan et Dounia Filal, Team Jorge ne se contente pas de surveiller des militants sahraouis, mais participe activement à la propagation de fausses informations et à des campagnes de désinformation visant l’Algérie.

Outre ces offensives, une véritable guerre des algorithmes se déroule dans l’ombre des moteurs de recherche et des plateformes numériques. En manipulant ces algorithmes, certains acteurs imposent un récit hostile à l’Algérie en saturant les moteurs de recherche de contenus provenant de médias étrangers. Cet effet algorithmique façonne la perception publique et génère un climat de doute. L’intelligence artificielle et les deepfakes ajoutent de la complexité, avec des vidéos et images falsifiées qui diffusent une image de chaos.

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Des milliers de faux comptes, activés depuis l’étranger, participent à la diffusion de rumeurs et de fake news pour influencer l’opinion publique nationale. Des trolls et des bots coordonnés depuis certaines plateformes numériques diffusent en boucle des contenus toxiques, créant une illusion d’hostilité généralisée contre l’Etat et ses institutions.

 

La réponse de l’Algérie face à ces nouvelles menaces

Face à cette guerre d’un genre nouveau, l’Algérie a mis en place plusieurs mécanismes de protection et de contre-offensive. Des cellules de veille surveillent en temps réel les contenus médiatiques et numériques, utilisant des algorithmes pour détecter rapidement les campagnes de désinformation. Cette réactivité permet de contrer les attaques et d’adapter les stratégies de communication.

L’Algérie a également renforcé sa cybersécurité en investissant dans ses infrastructures numériques et en formant des experts locaux et internationaux à travers une école spécialisée. La cybersécurité est devenue un pilier de la défense nationale face aux menaces électroniques et aux tentatives de manipulation.

Pour protéger l’unité et la cohésion nationales, des campagnes de sensibilisation contre les fake news et la manipulation ont été lancées. Le pays s’engage activement dans la lutte contre la désinformation et dans la production de contre-discours basés sur des faits vérifiables. Les autorités forment les acteurs publics et citoyens à réagir rapidement pour maintenir la stabilité. Dans ce contexte, des événements comme le colloque du ministère de la Défense sur la «défense nationale face à la guerre cognitive», organisé le 6 janvier dernier, visent à sensibiliser la population et à renforcer la prise de conscience collective. Bien que cette guerre ne laisse pas de traces visibles, ses conséquences peuvent être dévastatrices pour la stabilité nationale, faisant de la guerre hybride un enjeu majeur pour la souveraineté algérienne, où les armes sont virtuelles et psychologiques.

Les hautes autorités au sommet de l’Etat sont pleinement conscientes de ces enjeux, comme en témoignent les propos du président de la République et du chef d’état-major de l’Armée. A plusieurs reprises, ils ont évoqué les guerres de nouvelle génération et les outils associés, tels que la guerre cognitive, qui vise à altérer les perceptions. Ces déclarations soulignent la prise de conscience du pays face aux menaces modernes, renforçant son engagement à défendre sa souveraineté dans ce domaine complexe.