L’une est située dans le Sahara central, l’autre dans l’Atlas saharien, deux grottes nouvellement découvertes passionnent la communauté scientifique. Telem Fezza et Kheneg El-Ghar sont séparées par 1000 km. Les premières fouilles, menées par Iddir Amara, professeur à l’institut d’archéologie, révèlent que dans le milieu aride du Sahara s’est déroulée toute une histoire de l’humanité depuis des millions d’années.
Si la grotte de Kheneg El-Ghar à Boussemghoun (wilaya d’El-Bayadh) est déjà connue des touristes, celle de Telem Fezza (wilaya de Tamanrasset) près du Niger est inédite sur plusieurs plans. Cette cavité préhistorique, dont on ne connaît pas encore la date, est la première grotte fouillée en Afrique du Nord. Pour Pr Amara, il est très rare de trouver des grottes avec des sédiments qui sont les enregistreurs des activités de l’homme.
«Telem Fezza au Tassili-Tan-Ahaggar est une grotte qui a un profil particulier. Nous avons trouvé des graines, des ossements humains, des plastrons de tortue, de la malacofaune, plante sauvage et domestique. Nous n’avons pas encore daté, mais on pense être dans le néolithique. Ces artéfacts révèlent le profil alimentaire de ces communautés qui s’avère très équilibré. Les premières observations se font à ce niveau», précise Pr Amara à l’Algérie Aujourd’hui
Pour cet enseignant-chercheur, le projet autour de la grotte Telem Fezza sollicitera les compétences de plusieurs disciplines scientifiques, notamment des paléoanthropologues spécialisés dans l’évolution morphologique de l’homme, des généticiens, des archéobotanistes, un ensemble de disciplines qui s’intéressent aux vestiges d’origine végétale et animale, etc.
Concernant les missions de fouille, Idir Amara précise que celles-ci ne dépassent pas les 20 jours. La prochaine expédition se déroulera en septembre 2024. Le professeur précise que les étudiants bénévoles peuvent participer à ces expéditions.
«Nous sommes dans un milieu extrême. L’habitation la plus proche de la grotte Telem Fezza est à 300 km. L’office du parc de l’Ahaggar met à notre service les moyens de locomotion. On prend avec nous notre nourriture, nos tentes. Notre matériel de fouille. Et nous sommes accompagnés par un corps sécuritaire», décrit-il.
Pr Amara souligne que le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique finance les recherches. Le ministère de la culture donne les autorisations pour intervenir sur les sites.
Un projet plus global
Dans le cadre de leurs recherches, les archéologues sont tenus de faire, tout au long des fouilles, des rapports sur leur activité. Ces données collectées sont partagées avec la communauté scientifique. Cette rencontre qui s’est déroulée à l’université d’archéologie et au musée du Bardo est la première en son genre. Pr Amara souligne que c’est la première fois que des données archéologiques inédites sont partagées avec le grand public.
«Nous voulons montrer aux citoyens une autre façon de faire de la recherche. Nous ne sommes plus dans l’archéologie descriptive. Aujourd’hui, l’archéologie est devenue une science complexe, car on fait appel à des sciences connexes qui nous permettent de comprendre les conditions environnementales dans lesquelles l’homme évoluait, par rapport à l’écologie, le climat, etc.»
Les recherches dans les grottes Telem Fezza et Kheneg El-Ghar s’inscrivent dans un projet global intitulé «le Sahara et ses marges : sites, territoires, mobilités et interactions».
Ce projet comptera la participation de l’éminent paléontologue Djilali Hadjouis, connu pour ses travaux scientifiques depuis 40 ans. Djilali Hadjouis est l’un des trois chercheurs qui ont découvert «les premiers ossements remontant à 35.000 ans avant notre ère, à la cité Malki à Alger».
Concernant les fouilles de ces deux grottes, Djillali Hadjouis explique que ce qui l’intéresse dans ce projet est le métissage des peuplements du sud avec les Proto–méditerranéens et Mechta–Afalou.
« Je suis arrivé au bout de ma compréhension des populations humaines particulièrement l’Homo sapiens ; son évolution, son adaptation et sa posture. Ce qui me reste à faire est la génétique. Sur ces deux sites nous sommes sures que les squelettes vont remonter et je pourrais entamer les recherches sur la génétique de cette population» souligne-il.
Le professeur Iddir Amara conclut en annonçant la préparation d’un séminaire international intitulé « L’archéologie pour comprendre le passé : préhistoire, protohistoire, antiquité et périodes musulmanes ».