Economie : «Le lobby de l’argent facile» en ligne de mire

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PAR NABIL MANSOURI

Lors de sa rencontre périodique avec la presse nationale, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a réitéré sa ferme volonté de mener une lutte sans relâche contre les lobbies qui sapent les fondements économiques du pays.

Dans un discours empreint de détermination, le Président a dénoncé ces groupes d’intérêts, qu’il a qualifiés de véritables prédateurs économiques, s’attaquant à la souveraineté du pays pour leurs propres bénéfices. «Nous combattrons jusqu’au dernier souffle les lobbies de l’argent facile, les lobbies compradors qui, pour faire fortune à l’étranger, n’hésitent pas à sacrifier leur propre pays», a-t-il déclaré sans détour. Pour lui, ces groupes s’érigent en obstacle à la prospérité nationale et «obéissent à des ordres extérieurs pour détruire l’Algérie». Le Président a ainsi réaffirmé son engagement à lutter contre ces réseaux jusqu’à leur éradication totale.

  1. Tebboune a également évoqué les restes de la «issaba», un terme utilisé pour désigner l’ancien régime corrompu et ses complices. Bien que ce système ait été démantelé, certains de ses prolongements et mentalités subsistent encore. «La issaba est terminée, mais ses prolongements sont là, et il reste encore des mentalités que nous combattrons», a-t-il précisé.

 

Renforcement des structures étatiques face aux pénuries organisées

Sur le front économique, M. Tebboune a abordé la question des pénuries volontaires de produits de base, utilisées comme armes par certaines factions pour déstabiliser le pays. Le Président a minimisé l’impact de ces manœuvres, expliquant que «l’Etat est devenu plus fort» grâce à la mise en place de solides mécanismes de contrôle, ce qui a considérablement réduit leur effet. «Le manque volontaire de produits avait un impact plus important auparavant, mais aujourd’hui, cet impact est très faible grâce aux bases solides que nous avons mises en place», a-t-il précisé.

Le gouvernement a instauré des réformes structurelles destinées à renforcer l’économie nationale et à assurer un approvisionnement régulier en produits essentiels. Parmi ces réformes figure la numérisation de l’économie, que le Président considère comme un outil crucial pour instaurer la transparence dans les échanges commerciaux. «Nous nous dirigeons vers une numérisation complète des transactions afin de rendre tout échange plus transparent», a déclaré M. Tebboune, faisant allusion aux nouvelles technologies mises en place pour assurer une gestion plus efficace et plus contrôlée des échanges commerciaux.

 

Encouragement des exportations à travers les zones de libre-échange

Dans un effort pour diversifier l’économie algérienne, le Président a encouragé la production locale tout en posant des conditions strictes pour les exportations. «Celui qui veut produire de l’huile, du sucre ou du blé et les exporter après avoir satisfait aux besoins de l’autosuffisance nationale, l’Etat est prêt à l’aider», a-t-il affirmé. Cependant, le Président a insisté sur le fait qu’il est interdit d’exporter des produits que l’Algérie doit elle-même importer. Cette politique vise à éviter toute fuite de ressources vitales hors du pays, contribuant ainsi à préserver les stocks nationaux.

En ce qui concerne la lutte contre la contrebande des produits aux frontières, le Président a proposé une solution basée sur la coopération économique plutôt que la répression. «La fuite des produits à travers les frontières ne se combattra pas par la force, mais à travers la création de zones de libre-échange, avec un contrôle et une comptabilité clairs», a-t-il expliqué.

L’Algérie a déjà fait des progrès en ce sens, avec l’établissement d’une zone de libre-échange avec la Mauritanie, et envisage d’en créer deux autres avec la Tunisie, en attendant de possibles collaborations avec la Libye et le Niger. Cette stratégie vise à réguler les échanges frontaliers et à lutter efficacement contre la contrebande.

M. Tebboune a également mentionné l’importance de réglementer les transactions commerciales avec les pays voisins. Par exemple, «le client mauritanien doit passer par une banque algérienne domiciliée dans son pays pour payer ses factures, garantissant ainsi une transparence totale et mettant fin aux échanges flous et à l’argent invisible», a-t-il précisé.

 

Le projet des BRICS et la révision de l’accord avec l’UE

S’agissant des relations internationales, M. Tebboune est revenu sur la question de l’adhésion de l’Algérie aux BRICS, soulignant un changement de perspective. «Je n’ai jamais fait de déclaration officielle à ce sujet», a-t-il précisé. «Nous voulions adhérer pour des raisons bien définies, mais quand nous avons vu la tournure que prenait cette organisation, notre volonté a changé», a-t-il ajouté. Bien que l’Algérie ait envisagé d’intégrer les BRICS avec un groupe de partenaires, le Président a laissé entendre que cette décision pourrait évoluer dans l’avenir.

Cependant, l’Algérie a maintenu son adhésion à la Nouvelle Banque de Développement des BRICS, dans laquelle elle a été acceptée et contribuera à hauteur de 1,5 milliard de dollars. «Cette adhésion est cruciale, car elle aidera les pays émergents et constitue une alternative à la Banque mondiale», a déclaré Tebboune. Il a néanmoins insisté sur le fait que la priorité actuelle de l’Algérie réside dans le développement de son propre potentiel économique.

En parallèle, le Président a annoncé que l’Algérie demanderait la révision de l’accord d’association avec l’Union européenne en 2025. Ce processus vise à faciliter l’accès des produits algériens sur le marché européen. «Lors de la signature de cet accord, l’Algérie n’était pas celle d’aujourd’hui», a souligné M. Tebboune, faisant référence à l’évolution industrielle du pays. «A l’époque, l’industrie ne représentait que 3% du PIB, et nous n’exportions que des hydrocarbures. Aujourd’hui, nous avons une production diversifiée, et nous réclamons la révision de cet accord dans le cadre du libre-échange.»

 

Le projet du gazoduc transsaharien «est en bonne voie»

Enfin, sur le plan énergétique, le Président a mis en avant l’avancée du projet du gazoduc transsaharien (TSGP), qui traverse l’Algérie, le Niger et le Nigeria. «Le projet est en bonne voie et il ne reste que 700 à 800 km à achever sur le territoire nigérien», a-t-il révélé. Ce gazoduc est crucial pour renforcer la position de l’Algérie comme fournisseur majeur de gaz pour l’Europe. «Ce projet est économique et non politique. Il intéresse directement l’Europe et apportera des bénéfices pour l’Algérie et le Nigeria», a-t-il souligné. Ce projet est une réponse stratégique aux besoins énergétiques croissants de l’Europe, renforçant ainsi le rôle de l’Algérie sur la scène internationale.

Les propos du président Abdelmadjid Tebboune lors de cette rencontre avec la presse tracent un cap clair pour l’avenir de l’Algérie : un pays résolu à combattre les intérêts nuisibles, à moderniser son économie, à renforcer sa souveraineté énergétique et à s’imposer comme un acteur incontournable sur la scène internationale.