Par Massinissa M.
L’agence Reuters a rapporté mercredi que l’Algérie avait «exclu» les entreprises françaises de son appel d’offres pour l’importation de blé prévu en octobre 2024. Cette annonce a immédiatement suscité diverses interprétations, suggérant qu’il s’agissait d’une conséquence directe des tensions diplomatiques avec Paris, en particulier en raison du soutien français au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental. Cependant, le lendemain, l’Office algérien des céréales (OAIC) a réagi en qualifiant ces informations d’erronées. L’Office a précisé que l’importation de blé meunier est soumise à des «critères techniques», et non politiques, rejetant ainsi toute forme de favoritisme ou d’exclusion délibérée.
Dans son communiqué, l’OAIC a catégoriquement démenti les spéculations relayées par l’agence de presse britannique. En réponse aux informations diffusées par certains médias européens concernant l’exclusion présumée de certains fournisseurs de notre liste restreinte, l’OAIC a précisé que « tous les fournisseurs de céréales figurant sur notre liste sont considérés comme des partenaires stratégiques ». L’organisme a également affirmé que l’équité reste le principe fondamental dans toutes les consultations menées en 2024, quelle que soit l’origine des produits, ajoutant que «tous les fournisseurs de céréales figurant sur cette liste sont considérés comme des partenaires stratégiques». De plus, l’OAIC a souligné que l’équité demeure le maître-mot dans toutes les consultations lancées en 2024, quelle que soit l’origine des produits.
Pour contextualiser cette démarche, l’Office a mentionné la consultation restreinte lancée le 6 octobre 2024, soulignant qu’elle a été régie par des critères techniques spécifiques, adaptés aux besoins industriels de cette période. En outre, l’Office a tenu à rassurer ses partenaires européens habituels en les informant que des consultations seraient régulièrement organisées en fonction des besoins du marché national. Il a également invité les fournisseurs partenaires répondant aux exigences techniques et commerciales à y participer.
«Business is busines»
Notons que le communiqué de l’OAIC délivre un message clair : les choix de l’Algérie relèvent avant tout du domaine commercial, sans aucune interférence, quelle qu’elle soit. Il est important de rappeler que les appels d’offres internationaux pour l’importation de blé tendre doivent se conformer à un cahier des charges strict, établi pour garantir un rapport qualité-prix optimal. Modifié en 2020, ce cahier des charges a élargi la liste des fournisseurs de blé tendre, qui était auparavant dominée par la France, en intégrant des origines diverses, notamment celles de la mer Noire, tout en introduisant une exigence de taux de protéines plus élevé.
Ce changement souligne que l’incapacité de la France à exporter son blé vers l’Algérie n’est nullement la conséquence d’un différend politique ou diplomatique, mais plutôt d’une inadéquation des caractéristiques techniques de son blé face aux exigences croissantes des marchés internationaux. De nombreux pays, y compris l’Algérie, ont révisé leurs critères, notamment en matière de teneur en protéines, ce qui a conduit à une préférence pour des blés d’autres origines. Cette évolution est accentuée par la pression pour augmenter les rendements dans des rotations de cultures trop courtes, rendant le blé français incapable d’atteindre un taux de protéines de 11,5%. Ce phénomène a conduit des importateurs comme l’Egypte, premier acheteur mondial de blé, à se tourner vers des alternatives plus conformes à leurs besoins.
Historiquement, depuis 2013, les blés français ont été moins demandés par leurs clients réguliers, qui se sont progressivement orientés vers des blés russes et ukrainiens, offrant une teneur en protéines supérieure et des prix plus compétitifs. Bien que l’Algérie ait longtemps été une exception à cette tendance, la situation a évolué en 2020, favorisant une approche plus pragmatique dans la gestion des importations de blé, un enjeu majeur pour un pays parmi les plus gros importateurs de blé meunier.
Le blé français non concurrentiel !
Pour comprendre cette dynamique, il convient de rappeler que les cahiers des charges établis sous le règne de la «issaba» ont été méticuleusement conçus pour favoriser l’importation de blé français. Pendant plusieurs années, la France détenait environ 80% des parts des importations algériennes de blé tendre. C’est dans ce contexte que l’Algérie a entrepris, ces dernières années, un rééquilibrage de ses relations avec ses partenaires commerciaux, avec l’objectif d’instaurer des relations mutuellement bénéfiques.
Il va sans dire que les appels d’offres internationaux émis par l’Algérie et les choix faits au terme de ces processus ne relèvent d’aucun ressentiment nourri par des considérations politiques ou diplomatiques, comme certains partenaires, ayant perdu leur privilège monopolistique et leurs relais médiatiques, s’efforcent de le faire croire. Au contraire, il s’agit d’une démarche saine, inscrite dans le cadre d’accords équitables. C’est en ce sens que la révision du cahier des charges régissant l’importation du blé meunier, ou encore la volonté de renégocier l’accord d’association avec l’Union européenne, ainsi que toutes les initiatives allant dans ce sens, poursuivent l’unique but de servir l’intérêt national. «Business is business», comme l’a déclaré le président de la République lors d’une prise de parole, soulignant que même en cas de désaccord sur divers plans, les affaires doivent primer.