Les putschistes au pouvoir à Bamako ne veulent pas lâcher le pouvoir et ne tolèrent plus les voix appelant au retour à l’ordre constitutionnel. Pour y arriver, ils ont décidé d’enterrer toute vie politique par la dissolution des partis politiques et des associations. Un décret présidentiel signé par le président de la transition, Assimi Goita a été publié mercredi dernier.
A l’appel à un mouvement de protestation contre la décision de dissoudre les partis politiques et les associations et de geler leurs activités, le pouvoir militaire au Mali est passé à la phase menace et l’appel à la violence à travers ses relais qui ont lancé des appels contre les organisateurs de la protestation populaire. Les putschistes affichent clairement leur volonté de se maintenir au pouvoir mais aussi de régner par la terreur. La centaine de partis engagés dans le mouvement dit Défense de la Constitution ont dû renoncer à ce mouvement de protestation qu’ils ont reporté à «une date très prochaine». Ils ont dénoncé «des appels à la violence et des menaces proférées par les putschistes », ont rapporté les médias.
Ce report s’explique, souligne un communiqué des partis, par «des manœuvres corroborées, entre autres, par les multiples appels à la violence, les menaces et les insultes proférés sur les réseaux sociaux par deux membres du Conseil national de transition (CNT) qui, par lâcheté, se sont finalement cachés (et) la diffusion sur les mêmes réseaux d’une fausse demande antidatée pour la tenue d’un autre rassemblement, aux mêmes heure et lieu (que celui des partis), attribuée à des inconnus se faisant appeler Jeunes leaders ». «Les partis politiques pour la Constitution, conscients de leur responsabilité envers la vie humaine, rejettent toute forme de violence et de tueries planifiées », a indiqué la même source qui précise que les partis ont saisi en urgence la justice pour faire annuler le décret de Goita.
Les réactions à ce nouveau tour de vis opéré par les putschistes pour étouffer la liberté d’expression et surtout les voix appelant au retour à l’ordre constitutionnel et au respect du calendrier électoral qui fixe la tenue des élections en décembre 2025. L’avocat au barreau malien, Cheick Oumar Konaré, a mis en garde contre « une crise politique majeure ». « Une crise dangereuse », a écrit l’avocat et analyste politique Cheick Oumar Konaré dans un article publié sur des sites maliens. Pour l’avocat, le général Assimi Goïta, « a les moyens de mettre fin à cette crise naissante. Deux moyens suffiraient : annoncer la fin de tout processus de dissolution des partis et fixer la date de la présidentielle ».
Le secrétaire général du parti ADEMA-PASJ et ancien ministre, Yaya Sangaré, a affirmé que « Nous sommes des partis légalement reconnus, avec des récépissés (…) Nous allons consulter nos juristes et agir dans le cadre de la loi. Il ne s’agit pas de rester passifs ». Ibrahima Tamega du parti La Convergence et membre du Collectif des jeunes pour la démocratie a dénoncé cette mesure « illégale et injuste ». Il a estimé que « malgré la suspension de leurs activités, la mobilisation ne faiblira pas ». « Nos revendications, c’est le retour à l’ordre constitutionnel, c’est le respect de la Constitution, c’est les libertés fondamentales qui sont aujourd’hui brisées. Nous voulons que les militaires respectent leur parole donnée, qu’ils remettent le pouvoir aux civils », a martelé l’opposante et membre du mouvement « Tous concernés », Kadiatou Fofana. « Cinq ans de transition, ce n’est plus une transition, c’est de la dictature », a-t-elle insisté. De son côté, le journaliste et expert politique, Ibrahim Jakouraga, a souligné que cette décision vise à « faire taire les voix et imposer également un autre agenda, celui de prolonger la période de transition sans consulter les partis politiques ».
La Commission nationale des droits de l’Homme du Mali (CNDH) a dénoncé les atteintes aux libertés fondamentales notamment la liberté d’expression et de réunions ».
L’ONU s’est également emparé de ce nouvel épisode du dossier malien par le biais de son Conseil des droits de l’Homme qui a mandaté des experts pour pousser la junte à abroger le décret de Goita. Ce texte constitue « une violation directe des droits humains fondamentaux », rappelle le groupe d’experts qui contestent l’argument des putschistes selon lesquels ces mesures « visent à mettre fin à la prolifération des partis politiques », tout comme l’explication selon laquelle leurs propositions sont directement issues de différents dialogues nationaux. « Aucune consultation véritable n’est possible dans le climat actuel de suppression de l’espace civique, où les opposants et les journalistes indépendants ont des raisons de craindre que la liberté d’expression soit sanctionnée », ont estimé les experts.
Djilali B