Feuille de route 2030 : Le 7e art trace son avenir

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Par S. Ould Ali

L’Algérie se dote aujourd’hui d’une feuille de route pour revitaliser son industrie cinématographique. C’est ce qu’a annoncé le ministère, de la Culture et des Arts suite à la présentation mardi dernier, au Palais de la Culture Moufdi Zakaria, d’une étude stratégique sur la relance du cinéma algérien qui «marque une étape décisive dans la refondation d’une politique publique culturelle ambitieuse».
Cette démarche, menée par le ministère, s’inscrit dans la continuité des Assises nationales du cinéma de janvier dernier et une première concertation sur la loi relative à l’industrie cinématographique qui s’est tenue en avril 2023. Selon le ministre de tutelle, Zoheir Bellalou, cette étude se distingue «par un haut niveau d’efficacité, dans la mesure où elle analyse et décrypte avec clarté la situation globale du secteur cinématographique en Algérie, permettant ainsi de relever les défis et de jeter les bases concrètes d’une industrie cinématographique algérienne».
Pour donner à cette relance une assise crédible et réaliste, le ministère avait mobilisé une équipe d’experts algériens et étrangers de haut niveau : Olivier Zegna Rata, Giacomo Mazzone, Hamoudi Laggoune et Farid Merabet Chater, leur mission : poser un diagnostic précis du cinéma algérien, écouter les professionnels et proposer des mesures concrètes pour relancer une industrie en jachère.
D’avril à juin 2025, plus de 80 consultations ont été menées à travers tout le pays et au sein de la diaspora. Réalisateurs, producteurs, techniciens, diffuseurs, institutionnels, artistes, investisseurs… ont été associés à une réflexion collective afin que la stratégie repose sur une compréhension des réalités du secteur.
L’étude ne se limite pas à dresser un état des lieux. Elle propose une feuille de route structurée autour de 20 mesures prioritaires tendant à construire une industrie capable de générer de l’emploi, de valoriser les talents nationaux et de contribuer au rayonnement international du pays.
Toujours selon le département de Zoheir Bellalou, cette stratégie repose sur cinq axes, identifiés comme leviers essentiels à la transformation du paysage cinématographique algérien.
D’abord, la reconstitution du marché intérieur, l’enjeu étant de connecter l’offre et la demande en valorisant les dynamiques territoriales. Cela passe par la relance des circuits de diffusion, la récupération et la modernisation des salles de cinéma abandonnées, et la redynamisation de la production locale.

Coopération multisectorielle
Vient ensuite la réinvention des modèles de financement. L’étude recommande l’intégration d’outils financiers modernes, tels que les fonds d’investissement et le capital-risque, mais aussi l’activation et la répartition des fonds de soutien au niveau local, ainsi que la facilitation de l’accès aux aides pour les porteurs de projets cinématographiques. Des incitations fiscales en faveur du secteur privé sont également proposées, pour encourager le financement de projets. A cela s’ajoute la diversification des sources de financement via des partenariats public-privé, une meilleure articulation entre la télévision et le cinéma, et le soutien aux start-up de technologies dédiées à l’audiovisuel. Le ministère du Tourisme est également invité à s’impliquer par la création de cellules d’appui au cinéma.
Troisième axe, le renforcement de l’attractivité internationale, l’Algérie ambitionnant de devenir une destination accueillante pour les tournages étrangers. Cela implique une meilleure intégration dans les circuits internationaux, ainsi que la valorisation des atouts naturels, patrimoniaux et logistiques du pays.
Ce qui ne saurait se faire sans la professionnalisation des métiers du cinéma.
L’étude insiste ainsi sur l’importance de la formation, de la transmission des savoirs, et de la création de passerelles entre l’enseignement, les métiers du cinéma et les compétences numériques. Elle préconise aussi la création de commissions spécialisées par genre cinématographique pour mieux accompagner les projets.
Enfin, les concepteurs de la stratégie de relance du cinéma évoquent la nécessaire protection et la valorisation des œuvres à travers un cadre juridique solide. L’étude insiste sur la nécessité d’un système de protection des droits d’auteur, d’un combat contre le piratage et de la mise en place d’un modèle économique fondé sur une exploitation équitable et durable des œuvres.
Ce plan d’action dépasse donc le cadre du ministère de la Culture et devra impliquer d’autres secteurs tels que le numérique, l’éducation, l’investissement, les collectivités locales et des partenaires internationaux.
Cette démarche s’inscrit dans une volonté annoncée des pouvoirs publics de relancer un secteur longtemps délaissé.
Avec cette Vision 2030, l’Algérie semble s’être enfin dotée d’une stratégie solide, ancrée dans la réalité et tournée vers l’innovation.
Quant à savoir à quel moment ces ambitions vont se concrétiser par des actions effectives, Bellalou insiste : dans les plus brefs délais. En soulignant «l’impératif de fonder une industrie cinématographique qui soit bénéfique à l’Algérie sur tous les plans».