PAR NABIL M.
Abdelkrim Bouzred, récemment nommé ministre des Finances, hérite d’un portefeuille chargé de défis économiques et structurels nécessitant un traitement d’urgence.
Le nouvel argentier du pays prend ainsi les rênes du secteur des Finances dans une période qui connaît l’ouverture de grands chantiers de réformes et de changements pour l’économie algérienne. Les dossiers urgents qu’il doit traiter exigent une action rapide et coordonnée, nécessitant de l’expérience, de la rigueur et de la connaissance des enjeux financiers nationaux, ce qui constitue des atouts majeurs pour relever ces défis.
Parmi les dossiers urgents sur la table du nouveau ministre, figurent la réforme de l’allocation touristique, la numérisation du secteur des finances, l’ouverture des capitaux des banques publiques et la coopération proactive avec le Groupe d’action financière (GAFI). Ces priorités reflètent les attentes des citoyens et des institutions internationales, dans un contexte économique marqué par des tensions sur le marché des devises et une transition numérique encore incomplète.
L’allocation touristique : un dossier qui exige une solution rapide
La première des priorités qui implique directement le citoyen n’est autre que l’allocation touristique, qui a été fixée à 750 euros par an et par personne, mais dont le dossier ne semble pas totalement ficelé. Malgré l’annonce de son augmentation par le président de la République en octobre dernier, les citoyens n’ont toujours pas accès à cette devise, et se tournent massivement vers le marché parallèle, exacerbant les distorsions économiques et fragilisant la confiance dans le système bancaire.
Le nouveau ministre doit rapidement publier les textes d’application nécessaires pour permettre la distribution de cette allocation. Une simplification des procédures administratives et une réduction de la dépendance au marché informel sont également essentielles pour rétablir l’équilibre.
Des textes réglementaires réfléchis et bien ficelés pourraient canaliser les flux financiers vers le circuit officiel, tout en répondant aux besoins réels des voyageurs algériens.
Le chantier prioritaire de numérisation du secteur des finances
La numérisation du secteur des finances représente un autre défi majeur pour le nouveau ministre. Bien que des efforts aient été engagés sous le précédent mandat, la transition numérique reste incomplète. Les retards dans la modernisation des systèmes fiscaux et douaniers freinent l’efficacité administrative et la collecte des recettes publiques.
Abdelkrim Bouzred, ancien Secrétaire général du ministère des Finances, est bien placé pour accélérer ce processus, notamment en ce qui concerne le livret foncier électronique, prévu qu’il soit créé au début de l’année en cours. Ce livret foncier électronique, qui s’inscrit parmi les dispositions prévues par la loi de finances 2025, notamment son article 161, remplacera ainsi le format papier, ce qui permettra de réduire les retards constatés dans certains cas pour la délivrance du livret et de résoudre définitivement le problème des files d’attente.
La mise en place de plateformes numériques intégrées pour les services des Domaines pourrait aussi améliorer la transparence, réduire les délais de traitement et lutter contre la fraude fiscale. Cette réforme s’inscrit dans une vision plus large de modernisation de l’administration publique, essentielle pour attirer les investissements étrangers.
Ouverture des capitaux des banques publiques : vers une réforme structurelle
Un autre dossier, aussi sensible mais incontournable auquel le nouveau ministre doit faire face, n’est autre que l’ouverture des capitaux des banques publiques. La conjoncture économique actuelle et son lot de défis rendent nécessaire l’introduction d’une nouvelle dynamique d’ensemble du système bancaire, en termes de management et de financement des investissements. Cette mesure vise à renforcer la compétitivité du secteur bancaire et assurer la transparence, tout en attirant des investissements privés. Cependant, elle nécessite une approche prudente pour éviter les risques de déstabilisation financière.
L’ouverture du capital de deux banques publiques, le Crédit populaire d’Algérie (CPA) et la Banque de développement local (BDL) en l’occurrence, a constitué une première expérience de cette opération qui devrait se multiplier pour toucher d’autres institutions bancaires publiques de la place.
Le nouveau ministre devra ainsi trouver un équilibre entre la libéralisation du secteur et la protection des intérêts nationaux à travers une réforme bien menée qui pourrait dynamiser l’économie en facilitant l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers, tout en améliorant la gouvernance des institutions financières.
Renforcer la coopération proactive avec le GAFI
Outre ces dossiers urgents, la coopération avec le Groupe d’action financière (GAFI) est également un enjeu clé pour l’Algérie. Le pays doit renforcer son cadre juridique et opérationnel pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette collaboration est essentielle pour rétablir la confiance des partenaires internationaux et sécuriser les flux financiers.
Abdelkrim Bouzred devra piloter la mise en œuvre des recommandations du GAFI, notamment en matière de transparence des transactions et de renforcement des capacités des institutions de contrôle. Aux dernières nouvelles, il ne reste que 13 mesures à mettre en place, sur 74, pour que le pays soit conforme à la réglementation du GAFI. A cette fin, l’Algérie continuera de travailler en coordination avec les instances techniques du GAFI afin de mettre en œuvre son plan d’action en améliorant le contrôle pour les secteurs à plus haut risque. Cette démarche s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation du système financier algérien.
Ainsi, la réussite de ces réformes ne se mesurera pas seulement en termes économiques, mais aussi dans leur capacité à restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs. Le temps presse, et les attentes sont immenses.