Garde à vue, comparution immédiate, jurés, aveu de culpabilité…Ce qui va changer

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Par S. Ould Ali

 

Dans le cadre du renforcement de l’indépendance du système judiciaire et pour une justice plus moderne, le gouvernement a élaboré un avant-projet de réforme du Code de procédure pénale. Un texte qui, selon le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Lotfi Boudjemaâ, qui l’a présenté hier à l’Assemblée populaire nationale (APN), introduit des mesures et ajustements visant à consolider les droits et libertés individuels tout en permettant à la justice de mieux répondre aux défis contemporains. «Ces nouvelles dispositions sont en phase avec l’évolution de la société et garantissent la protection des droits et libertés, conformément aux conventions internationales des droits de l’homme ratifiées par l’Algérie», a notamment estimé le ministre en soulignant la participation de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le fonctionnement du système judiciaire, les services de sécurité et des professeurs d’université.

L’avant-projet s’articule autour de cinq axes principaux : la protection des gestionnaires locaux, l’amélioration de la gestion des affaires pénales, la numérisation et la simplification des procédures, la réorganisation des pôles judiciaires spécialisés et le renforcement des droits et libertés individuelles.

Ce projet de réforme soumis à débat poursuit plusieurs objectifs majeurs, selon ses promoteurs, tels que l’amélioration de l’efficacité et de la spécialisation du système judiciaire. Un des changements notables est l’abandon du système des assistants judiciaires (en raison de son coût considérable pour le Trésor public estimé à plus de 40 milliards de centimes par an, ndlr) et le recours à des professionnels qualifiés, comme cela se fait dans le cadre des enquêtes judiciaires.

 

 

Simplification des procédures

Le texte de la réforme comprend également des mesures destinées à protéger les finances publiques et l’économie nationale. Parmi celles-ci, l’introduction d’alternatives aux poursuites pénales à l’encontre des personnes morales, telles que le report des poursuites en contrepartie de la restitution des fonds détournés. Dans cette optique, une agence nationale chargée de la gestion des biens saisis ou gelés sera créée afin de combler le vide institutionnel existant dans ce domaine et de faciliter la récupération des avoirs transférés à l’étranger.

Une autre dimension de cette réforme concerne la simplification des procédures judiciaires. Le système de l’ordonnance pénale, qui a prouvé son efficacité dans le traitement rapide des infractions mineures, sera étendu à toutes les contraventions. Cela permettra aux juges de prononcer des sanctions (généralement des amendes) sur la base des dossiers, sans avoir besoin d’organiser une audience contradictoire, sauf si le concerné formule une opposition.

Le ministre de la Justice a également annoncé la simplification des procédures dans les petits litiges, notamment entre membres d’une même famille ou entre voisins, en instaurant la mesure d’avertissement judiciaire. Il a également évoqué la comparution devant la justice en cas d’aveu de culpabilité, une pratique déjà en vigueur dans de nombreux pays, permettant un traitement plus rapide des affaires mineures.

Le projet prévoit également l’introduction du flagrant délit pour certains types de crimes, dans le but de permettre l’application immédiate des sanctions à l’encontre des coupables, renforçant ainsi l’efficacité de la réponse judiciaire.

 

 

Renforcement du Parquet général dans les affaires de grande criminalité

Lotfi Boudejamaa a également évoqué une révision du système de comparution immédiate, mis en place en 2015, pour lever les entraves rencontrées sur le terrain. Ce système sera désormais limité aux affaires pénales prêtes à être jugées, afin d’accélérer le traitement des dossiers. 

Parmi les nouvelles dispositions contenues dans l’avant-projet de loi figurent l’instauration d’un droit de recours devant le procureur général, ainsi que le renforcement des droits de la défense à toutes les étapes de l’action publique.

Le projet de loi prévoit également des ajustements dans les procédures d’exécution des mandats d’arrêt et la prolongation de la garde à vue dans le cadre des enquêtes criminelles, des mesures destinées à mieux outiller les autorités judiciaires dans la lutte contre les crimes graves, tels que les assassinats et les enlèvements. A ce titre, la réforme prévoit le renforcement des prérogatives du ministère public, dans les affaires de grande criminalité. Celui-ci pourra publier les photographies d’identité des personnes recherchées, faisant l’objet de poursuites judiciaires ou d’une enquête préliminaire. En outre, la saisie de leurs biens pourra être ordonnée par le président du tribunal, sur réquisition du procureur de la République.

Lotfi Boudjemaâ a, par ailleurs, annoncé la révision des règles de prescription de l’action publique, ainsi que des dispositions relatives à la durée de la contrainte physique et du système des recours devant la Cour suprême, et ce, dans le but de réduire le nombre de recours abusifs et d’accélérer le traitement des dossiers.

Parmi les nouvelles dispositions citées, figurent aussi le renforcement de la médiation comme mécanisme alternatif aux poursuites pénales, le maintien du système de jurés dans les affaires criminelles, avec toutefois une réduction de leur nombre de quatre à deux au niveau des tribunaux criminels de première instance et d’appel. Quant aux affaires de terrorisme et de trafic de drogue, elles restent exclusivement du ressort des magistrats professionnels.

Le projet de loi met également en place un dispositif de gestion plus efficace des biens saisis, permettant leur liquidation avant même un jugement définitif, afin d’éviter leur immobilisation prolongée.