PAR NABIL M.
Lors de son entrevue périodique avec les médias, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé l’ambition de l’Algérie de doubler sa production de gaz naturel dans les cinq prochaines années.
Cette déclaration ne relève pas de l’effet d’annonce, mais s’inscrit dans une dynamique réelle, soutenue par des initiatives concrètes et une stratégie bien définie qui s’appuie sur une série de mesures déjà engagées pour renforcer les capacités énergétiques du pays et consolider son statut de fournisseur clé pour l’Europe.
Avec plusieurs milliards de m3 de réserves de gaz naturel et un potentiel non conventionnel parmi les plus importants au monde, l’Algérie dispose d’une marge de manœuvre considérable. Les experts estiment que les réserves non exploitées pourraient représenter jusqu’à 50% des réserves actuelles, notamment dans les bassins d’Ahnet et de Gourara.
A cet effet, l’activité d’exploration des hydrocarbures en Algérie connaît actuellement un essor sans précédent, touchant à la fois les zones onshore et offshore. Cette dynamique répond à la politique énergétique nationale qui vise à renouveler les ressources en hydrocarbures et à renforcer la production gazière.
Pour soutenir cet élan, l’Agence nationale de valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) a lancé un appel à la concurrence internationale en octobre dernier, dans le cadre le programme «Algeria Bid Round 2024», portant sur six sites riches en ressources conventionnelles et non conventionnelles. Cet appel est le premier d’une série qui suivra durant les cinq prochaines années afin de démontrer l’importance accordée par les pouvoirs publics à l’investissement dans l’amont gazier dans un environnement international marqué par une forte demande sur ce combustible.
Les périmètres concernés s’étendent sur plusieurs bassins stratégiques, notamment Oued Mya, Berkine, Illizi, Ahnet, Reggane et Gourara. D’après l’Alnaft, l’exploitation de ces sites pourrait augmenter la production de 20 milliards de m3 par an, en exploitant une réserve estimée à 400 milliards de m3.
Dans cette optique, l’Algérie cherche à attirer davantage d’investisseurs grâce à une nouvelle loi sur les hydrocarbures offrant trois options de partenariat : partage de production, participation et prise de risque dans l’amont gazier. Cette flexibilité permet à Sonatrach de négocier directement avec des partenaires locaux et étrangers pour le développement de projets stratégiques.
Les grands groupes affichent leur intérêt
Par ailleurs, et dans le cadre de la vision de l’Algérie de renforcer l’exploitation efficace de ses ressources naturelles, le pays se tourne aussi vers l’exploitation des ressources en offshore. En janvier dernier, l’Alnaft et la compagnie américaine Chevron ont signé un accord portant sur la réalisation d’une étude sur le potentiel des ressources en hydrocarbures dans les espaces maritimes algériens.
Cet accord, d’une durée de 24 mois, vise à réaliser une étude approfondie pour évaluer le potentiel des ressources pétrolières dans la zone maritime algérienne. Il représente également une étape stratégique pour renforcer la coopération entre l’Algérie et Chevron dans le domaine des études techniques et géologiques, en ouvrant ainsi la voie à de futurs projets d’exploration et de développement visant à valoriser les ressources nationales en carburant.
Dans cette même démarche visant à attirer les investisseurs et les compagnies pétrolières locales et étrangères vers la valorisation des hydrocarbures encore insuffisamment explorés, l’Algérie a décidé aussi de développer tous types d’hydrocarbures, dont le non conventionnel.
Cette décision a été confirmée par le PDG de Sonatrach, Rachid Hachichi, en octobre 2024, assurant qu’«il n’existe pas de différences entre l’exploitation du gaz conventionnel et non conventionnel. Les mêmes techniques de forage de puits sont utilisées dans les deux cas, ça reste un gaz comme les autres». Selon les dernières données, l’Algérie dispose d’une énorme réserve en hydrocarbures de schiste, la plaçant parmi les premiers sur la scène internationale en termes de potentialités.
Toutes ces raisons ont attiré les majors américaines ExxonMobil et Chevron pour investir en Algérie dans les régions d’Ahnet et Gourara. Lors de la signature des mémorandums d’entente avec Sonatrach, les représentants des deux groupes américains ont mis en avant leur intérêt pour le développement de «tous types d’hydrocarbures» en Algérie.
Une diversification des infrastructures et un rôle clé en Europe
L’Algérie ne se limite pas à l’exploitation de son potentiel gazier. Elle ambitionne également de diversifier ses infrastructures d’exportation pour renforcer son statut de fournisseur fiable de l’Europe. Le président Tebboune a ainsi annoncé la construction d’un troisième gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie, puis à l’Allemagne, destiné à l’exportation de gaz naturel, d’hydrogène et d’électricité.
Par ailleurs, l’Algérie participe activement au projet du gazoduc transsaharien (TSGP), qui reliera le Nigeria à l’Europe via le Niger et l’Algérie. Une étude de faisabilité de ce projet devrait être finalisée dans les mois à venir.
Dans une perspective de long terme, l’Algérie mise également sur l’hydrogène pour diversifier son bouquet énergétique.
Ainsi, avec une dynamique d’exploration renforcée, un intérêt étranger croissant, des infrastructures stratégiques en expansion et une diversification énergétique ambitieuse, l’Algérie se positionne non seulement comme un fournisseur fiable de gaz naturel, mais aussi comme un futur hub énergétique incontournable pour l’Europe et au-delà.