Par S. LESLOUS
Aux voix qui s’élèvent – de plus en plus nombreuses – en France contre la campagne menée par l’extrême droite et certains officiels français contre l’Algérie, vient s’ajouter celle d’un des anciens poids lourds de la politique française, Dominique de Villepin, qui s’est dit «affligé» par la façon dont les grandes affaires diplomatiques, dont les relations avec l’Algérie, sont traitées.
Dans une longue interview qu’il a accordée à Médiapart, l’ancien diplomate, premier ministre et secrétaire général de l’Elysée, Dominique de Villepin n’a pas hésité à pointer les tares de la diplomatie française tout en clouant au pilori le régime d’Emmanuel Macron pour ses échecs à tous les niveaux. L’ancien proche collaborateur de Jacques Chirac s’en est pris, d’emblée, à Macron pour sa gestion interne, notamment sa manière de «gouverner contre les français».
«Le drame d’Emmanuel Macron, ce qu’il n’a à aucun moment compris, c’est qu’il a cru pouvoir gouverner contre les Français, et durant les mandats successifs qu’il a eus, il a voulu les pousser dans la logique qui est la sienne : d’un jeune homme issu du monde de la finance, de la technocratie et de la start-up… Il a cru avoir raison contre tout le monde et les avertissements qu’il a eus ne lui ont pas fait changer d’avis. Il n’a jamais amendé et il n’a jamais tiré les leçons», a analysé Dominique de Villepin, déplorant qu’à force de pousser, «la France s’est retrouvée dans le cul-de-sac où elle est aujourd’hui».
«C’est ça une politique vis-à-vis d’un pays avec lequel nous sommes liés par la culture, par l’histoire, par la géographie et par le peuple ?»
Pour l’ancien Premier ministre français, la situation de la France sous Macron est encore plus dramatique au niveau diplomatique. «Il y a quelques chose qui m’afflige tous les jours, c’est la façon dont les grandes affaires diplomatiques sont traitées aujourd’hui par les hommes politiques français», a-t-il déclaré déplorant que ça soit par quelques phrases sur Twitter qu’ils dénoncent l’accord de 1968 avec l’Algérie.
«Quand on a l’histoire que nous avons avec l’Algérie, est-ce qu’on peut la ramener à une formule comme celle-là ?» s’est-il interrogé affirmant que «lorsqu’on dit qu’il faut supprimer l’accord de 68, cela veut dire tout simplement que l’on veut donner un coup à l’Algérie». «C’est ça une diplomatie ? C’est ça une politique vis-à-vis d’un pays avec lequel nous sommes liés par la culture, par l’histoire, par la géographie et par le peuple ?», s’est-il encore interrogé signifiant ainsi que la diplomatie française a fait fausse route avec l’Algérie et que l’agitation de ces dernières semaines relève du dérapage.
De Villepin, qui s’interrogeait déjà au début de l’interview s’il fallait à ce point que son pays «nie la page sombre de son histoire plutôt que de la confronter», et aussi «est-ce que face à la décolonisation, il fallait nier, à ce point là, les exactions et les crimes ?», a affirmé qu’«on ne peut pas, aujourd’hui, prétendre parler au monde en employant uniquement le langage de la surenchère».
A travers ses propos, Dominique de Villepin invite clairement la France à revoir sa copie et à ne pas céder devant les influences des sondages, des likes, des vues et des communautés sur les réseaux sociaux. «Le Président de la France ne doit pas être l’élu des communautés, il doit être l’élu du peuple français et c’est une grande erreur des hommes politiques français», a-t-il ajouté.
S.L