Les métiers issus du domaine de la culture sont souvent cloisonnés dans une vision esthétique. Une galerie d’art, une maison d’édition ou encore une entreprise d’organisation de spectacle sont pourtant des projets économiquement viables. En Algérie, des initiatives privées et institutionnelles tentent de structurer le domaine des industries culturelles et créatives afin de développer des opportunités économiques autour des métiers artistiques. Le hub créatif et culturel Artissimo apporte sa pierre à l’édifice à travers le lancement d’un guide de facilitation juridique à destination des porteurs de projets créatifs.
Une rencontre a été organisée avec la participation des acteurs algériens du secteur de l’industrie culturelle et créative afin de présenter ce guide qui permet à l’artiste de mener son projet sur une ligne directrice en phase avec les lois en vigueur. Le guide de facilitation juridique a été créé dans le cadre du programme IFAAL, qui est une série de formations dont ont bénéficié de porteurs de projet créatif dans quatre villes du pays.
Hakim Taousar, expert en droit de propriété intellectuelle, indique qu’il est très difficile d’accéder à l’information juste dans le domaine de la création de l’entreprise culturelle. Ce guide tente de remédier à ce déficit informationnel.
« Du temps où j’occupais le poste de directeur général de l’Onda et ensuite l’Inapi, je me suis rendu compte que beaucoup d’artistes ne connaissaient pas les rudiments des droits d’auteur et droits voisins. C’est encore le cas aujourd’hui. Pour ce projet, j’ai mis en place des outils qui permettent de vulgariser ces notions. Nous avons travaillé sur tous les textes législatifs et réglementaires en vigueur, y compris les conventions internationales », précise Hakim Taousar.
L’expert pointe du doigt une autre contrainte plus problématique pour les
artistes, à savoir les circulaires et directives, des instructions et notes qui ne sont pas
publiées. Hakim Taousar donne l’exemple des coopératives culturelles.
« Dans les années 90, le ministère de la culture a été remplacé par le haut conseil à la culture. Suite à ce changement, la création de coopérative culturelle notamment dans le théâtre a été vivement encouragée. Le dispositif juridique était clair et fonctionnel mais dans la pratique il y avait un blocage et on ne comprenait pas son origine. Après plusieurs allers-retours, on apprend une note du ministère des finances a été adressé au ministère de la culture de surseoir au soutien financier des coopératives culturelles en attendant de faire un bilan », explique-t-il.
Le guide disponible sur la plateforme est doté d’un chatbot d’intelligence artificielle pour faciliter la recherche. Il est entraîné sur le corpus juridique algérien et les commentaires et contributions des experts algériens.
Du côté des institutions étatiques
Mehdi Delmi, directeur des relations internationales à l’Onda, revient sur l’incubateur Moubadara autour des ICC. Les projets incubés vont selon lui fluidifier le parcours de toutes les entreprises et administrations qui constituent l’écosystème des ICC, à savoir le créateur, les banques, les administrations publiques, etc.
L’intervenant a fait savoir que le débat actuellement au niveau de l’ONDA est de réajuster les textes en fonction des modes d’exploitation des ICC. Il indique qu’il est nécessaire de prendre la culture sous la forme de la Data.
« À travers l’initiative Moubadara, les créateurs vont déposer leur œuvre, ce qui va se transformer en donnée. L’Onda va donc réformer ses missions pour faciliter les parcours des créateurs. Le véritable travail de l’Onda est de capitaliser cette donnée, la
valoriser et enfin la monétiser », explique-til.
D’artiste à entrepreneur
Les différents participants à cette rencontre ont évoqué les difficultés du créatif à penser son projet comme étant une entreprise. Certains entrepreneurs culturels évoquent la lourdeur du dossier qui demande des autorisations, des visas d’exploitation et d’autres documents pour exercer dans le domaine de la culture.
Tariq Ouhadj, fondateur de l’entreprise culturel Broshing Events qui a à son actif 3000 spectacles, revient sur ses débuts. « Nous avons commencé en 2000 à organiser des événements pendant le mois de ramadan. Nous avons vite été dépassés par l’engouement des citoyens, ce qui nous a obligés à nous professionnaliser. Mais au départ nous voulions juste proposer du divertissement. »
Il ajoute qu’avec son associé ils se sont heurtés aux difficultés administratives mais aussi au manque d’information aux facilitations qui existaient. « Nous ne savions pas à l’époque qu’il y avait des conventions entre le ministère de la culture et celui des finances qui exonère les contrats avec les artistes de l’IRG. Il faut donc un accompagnement fiscal dans la création d’entreprise culturelle », précise-t-il.
Selon Hind Cadi fondatrice du projet Athat, ce n’est pas une finalité. C’est au porteur de projet culturel d’anticiper l’évolution de son projet. Elle estime que pour passer au stade d’entrepreneur, il faut être en mesure de transmettre son savoir-faire à d’autres personnes qui vont travailler sur son projet.
Elle ajoute que pour développer une entreprise culturelle, il faut que le produit soit engagé dans un processus de développement.
En conclusion, la directrice d’Artissimo, Zafira Ouartsi, insiste sur l’importance de la formation et l’accompagnement des porteurs de projets. Elle estime qu’il y a un foisonnement d’idées créatives mais un besoin accru d’accompagnement dans la structuration de leurs projets.