PAR DJILALI B.
Le désengagement militaire de la France du continent africain entraîne dans son sillage celui d’autres pays européens. C’est le cas de l’Allemagne qui avait annoncé son retrait d’ici 2024 après le coup d’Etat au Mali, ou encore de la Hollande qui retire son petit contingent, et plus récemment encore, le Danemark qui suspend ses participations dans les opérations de lutte contre le terrorisme au Sahel notamment.
La décision de la France de suspendre sa coopération militaire avec le Niger et de rappeler ses 1500 soldats stationnés dans ce pays va induire une reconfiguration de la carte sécuritaire ainsi que celle de la présence militaire étrangère dans la cadre des accords de coopération.
Toutefois, ce ne sont pas tous les pays d’Europe qui rejoignent le geste de la France. L’Italie n’a pas dans son programme le retrait de ses troupes ou leur réduction. Il en est de même avec les Etats-Unis qui ont annoncé un redéploiement de leur force au Niger, quand bien même ils dénoncent les coups de force des généraux contre la volonté populaire, pour reprendre les termes du ministre de la défense américain.
Cela renforcera également la présence russe dans la région, que ce soit dans le cadre de la coopération militaire ou dans le cadre de l’opérationnel.
Nouvel ordre africain
Cette nouvelle donne augure de la naissance d’un nouvel ordre africain. Pas seulement pour la région du Sahel ou restreint au seul aspect militaire inscrit dans le cadre de la lutte antiterroriste. Ce nouvel ordre implique tous les secteurs autour d’un projet global visant à éliminer les principales raisons à l’origine du terrorisme, de la radicalisation, des activités
illicites ainsi que l’immigration clandestine.
Dans sa politique africaine assise sur la présence militaire, un dispositif dissuasif, la France a fini par apparaître comme un prédateur qui exploite de manière injuste les ressources des pays qu’elle a par ailleurs mis sous coupe réglée, presque avec des accords très désavantageux, en entretenant uniquement les responsables gouvernementaux.
La France n’a laissé aucune infrastructure sociale ou économique digne de ce nom au Mali ou encore au Niger ou au Gabon. Les majors français sont les premiers à profiter des ressources de ces pays, pour ne citer que ceux-là, laissant des miettes servant souvent à soutenir les responsables politiques foncièrement acquis pour Paris.
Le développement économique n’a pas figuré dans les priorités de la France dans le continent. Et c’est cette injustice criante et l’arrogance des représentants de la France qui ont naturellement produit ce sentiment antifrançais qui a explosé ces dernières années.
L’exact contraire du mode opératoire des Russes, Chinois, Indiens, Turcs et Américains, qui ont accompagné leur conquête du continent avec des investissements colossaux, des offres de coopération dans tous les domaines, dont la sécurité, qui a mis à nu la politique prédatrice de Paris. Au moment où Paris continue à assujettir les armées locales avec des accords de soumission, les Russes et les Américains offrent, en plus du matériel, une
assistance technique et des formations au niveau des défis sécuritaires auxquels font face ces pays.
Parallèlement à la ruée des puissances vers le continent, l’Afrique commence à développer une stratégie de développement interafricaine loin des standards hérités de la décolonisation.
L’énergie, l’éducation, le tourisme, le transport, le marché commun, la finance, le secteur de défense… sont aujourd’hui sur la table des discussions entre pays africains, dans le cadre communautaire ou régional.
Plus clairement, le retrait de la France de ses anciennes colonies ne risque pas de faire de l’Afrique un continent orphelin. Bien au contraire. La preuve est dans cette somme d’initiatives qui émanent de pays, de groupes de pays ou de régions pour répondre aux besoins du continent.
D. B.