Interdiction de la pâte à tartiner El Mordjene en France : Les premières explications du ministère de l’Agriculture français

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Par M. Mansour

 

Depuis quelques semaines, la pâte à tartiner El Mordjene, produite par la marque algérienne Cebon, se trouve au centre d’une tempête médiatique et réglementaire en France. Son interdiction soudaine d’accès au marché européen, décidée le 13 septembre, suscite de vives réactions, notamment de la part des consommateurs fidèles du produit, mais aussi de ceux qui dénoncent les puissants lobbys de l’industrie agroalimentaire. Cette controverse a finalement poussé les autorités françaises à justifier leur décision d’interdiction.

Ainsi, selon le ministère français de l’Agriculture, la suspension de l’importation de la pâte à tartiner El Mordjene découlerait de «déclarations à l’importation erronées». C’est par ces termes prudents que cette institution a tenté de justifier la situation, dans une déclaration au quotidien français «Les Echos». Selon la même source, l’affaire a débuté à la suite d’une demande d’information émanant d’un transitaire, chargé des formalités douanières pour les marchandises importées. S’ensuivit une expertise menée par les services compétents en France, aboutissant à la conclusion selon laquelle le produit n’était pas autorisé à pénétrer sur le marché européen.

Dans les faits, cette interdiction repose sur le règlement européen (UE) 2021/405, qui dresse la liste des pays tiers autorisés à exporter des produits alimentaires, dont les produits laitiers et dont l’Algérie ne fait pas partie. Selon le ministère français de l’Agriculture, l’Algérie ne dispose pas d’établissements agréés par l’Union européenne pour la transformation de ces produits. Cependant, le ministère a également précisé qu’aucun risque sanitaire n’avait été identifié pour le consommateur, ce qui a renforcé l’incompréhension du public face à cette décision.

 

Un produit victime de son succès

Face à cette situation, la société Cebon, fabricant d’El Mordjene, s’est exprimée par l’intermédiaire de son porte-parole, Ouzlifi Amine, dans une déclaration accordée à «l’Algérie aujourd’hui» il y a une dizaine de jours. Ce dernier a dénoncé des motifs infondés, avançant que la pâte à tartiner est fabriquée à partir de poudre de lait importée de France. «La poudre de lait que nous utilisons est importée de France, elle n’est donc pas extracommunautaire», a-t-il déclaré, affirmant que le succès commercial fulgurant de leur produit serait à l’origine de cette controverse. Cette explication trouve un certain écho auprès des consommateurs, certains voyant dans cette interdiction une tentative orchestrée par de puissants lobbys pour protéger les géants du secteur, tels que Ferrero, fabricant de la célèbre pâte à tartiner Nutella.

Cebon se défend vigoureusement en soulignant que son produit répond aux normes internationales et qu’il a déjà été exporté vers des pays tels que les Etats-Unis ou le Canada, sans rencontrer d’obstacles. «Pourquoi avoir attendu que le produit connaisse un tel succès pour agir ?» s’est interrogé Ouzlifi, dénonçant ce qu’il considère comme une injustice flagrante.

 

L’ombre des lobbys industriels

La levée de boucliers de la part des consommateurs d’El Mordjene s’accompagne d’une critique virulente contre l’influence des lobbys industriels sur cette affaire. Certains observateurs dénoncent une pression exercée sur les autorités pour protéger les parts de marché des grands acteurs de l’industrie agroalimentaire, au détriment des petits fabricants émergents. En France, où le marché de la pâte à tartiner est dominé par Nutella, l’arrivée d’un nouveau concurrent, surtout apprécié pour ses qualités gustatives, pourrait être perçue comme une menace. Cette idée est renforcée par le soutien de nombreux influenceurs sur les réseaux sociaux, qui n’ont cessé de vanter les mérites d’El Mordjene, la plaçant même au-dessus du Nutella en termes de goût et de texture.

Ainsi, l’affaire El Mordjene dépasse le cadre strictement juridique pour devenir un symbole des enjeux économiques et commerciaux qui sous-tendent les réglementations européennes en matière d’importation de produits alimentaires. Elle met en lumière les tensions entre la nécessité de garantir la sécurité alimentaire et la réalité de la concurrence mondiale dans un secteur où les géants établis protègent jalousement leurs marchés.