La Chine passe à l’action en Algérie

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PAR NABIL M.

 

Plus qu’un simple partenaire commercial, la Chine confirme son ambition de devenir un acteur industriel de premier plan en Algérie.

A l’occasion du forum d’affaires algéro-chinois sur l’investissement, organisé hier au Centre international des conférences (CIC) à Alger, plus de 200 opérateurs économiques des deux pays ont affiché une volonté claire, celle de transformer la relation commerciale en un moteur d’investissements productifs, durables et équilibrés.

Sous le haut patronage du président de la République et à l’initiative de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), cette rencontre, placée sous le thème «Partenariat solide, coopération économique durable», a été marquée par la volonté des deux parties d’établir des partenariats durables dans les secteurs stratégiques de l’économie nationale.

 

Une dynamique déjà engagée

Selon le Directeur général de l’AAPI, M. Omar Rekkache, qui s’est exprimé à l’ouverture du forum, 42 projets chinois ont déjà été enregistrés depuis novembre 2022, dont 22 en investissements directs et 20 en coentreprises avec des partenaires algériens. Le montant total dépasse les 4,5 milliards de dollars, selon M. Rekkache, qui a précisé que la majorité des projets se concentrent dans l’industrie, signe de la volonté de Pékin de participer activement à la diversification de l’économie nationale.

Il a expliqué aussi que plusieurs investisseurs chinois ont exprimé leur volonté de lancer des projets d’investissement dans divers domaines, que l’Agence examine en coordination avec les secteurs concernés, et a ajouté que cette orientation «reflète une réelle volonté d’élargir la présence de la Chine en Algérie et de passer de la participation aux appels d’offres, commandes et services à l’exploitation des avantages compétitifs offerts par l’Algérie pour la réalisation d’investissements productifs».

 

Alger veut équilibrer la balance

Si la Chine est depuis des années le premier fournisseur de l’Algérie, Alger veut désormais rééquilibrer cette relation. Selon les chiffres fournis par le ministre de l’Industrie, M. Sifi Ghrieb, lors de son allocution prononcée à la même occasion, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint, en 2024, un total de 12,5 milliards de dollars (dont 10,5 milliards de dollars d’importations algériennes), ce qui, selon lui, «ne reflète pas l’équilibre progressif auquel aspire l’Algérie».

En appelant à une montée en gamme des échanges, le ministre a exhorté les investisseurs chinois à s’implanter directement dans les filières productives algériennes, et les exportateurs algériens à saisir les opportunités d’un marché chinois en forte demande.

Les autorités des deux pays s’accordent sur une même vision, celle de sortir d’un modèle basé sur les grands projets d’infrastructure et s’orienter vers un partenariat industriel à forte valeur ajoutée. Les réformes engagées en Algérie, notamment à travers la simplification des procédures, la protection des investisseurs, la création de l’AAPI, sont pensées pour attirer des capitaux étrangers porteurs de croissance et de transfert de savoir-faire.

Le partenariat stratégique bilatéral est entré, selon M. Ghrieb, «dans une nouvelle phase avec une nouvelle vision et de nouveaux horizons, comme convenu entre le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et son homologue chinois, Xi Jinping, lors de la visite d’Etat effectuée par le président algérien en Chine en juillet 2023».

 

Signature de 8 accords de projets concrets 

Le forum a été marqué par la signature de huit accords entre des entreprises algériennes et chinoises, couvrant des domaines aussi variés que l’industrie automobile, les transports, l’agriculture, la logistique et les équipements électroménagers et dont la valeur dépasse les deux milliards de dollars, selon l’ambassadeur de Chine.

Parmi les projets les plus emblématiques, une usine de fabrication ferroviaire verra le jour grâce à un partenariat entre la SNTF et Genertec CNTIC, filiale du géant chinois CRRC, permettant la production des équipements de transport ferroviaire et leurs composants.

A Batna, le constructeur chinois Jetour investira plus de 105 millions de dollars sur cinq ans pour implanter une unité de production de 270 000 véhicules en partenariat avec Fondal, filiale de la Société nationale de sidérurgie. Dans le même secteur, le groupe Iris et le constructeur chinois Chery développeront un projet automobile spécialisé dans la peinture et la soudure des carrosseries.

En matière agricole, Global Agri-Food, filiale de Madar Holding, a signé un accord pour développer des cultures stratégiques dans les wilayas du Sud et Madar Maritime Company (MMC) collaborera avec une entreprise chinoise pour produire des conteneurs de transport. Aussi, un projet d’aviculture sera lancé en partenariat avec la société chinoise CRCC et le complexe Agrolog.

Enfin, le groupe Condor s’alliera avec Hisense pour créer une usine d’électroménager (climatiseurs et machines à laver), et CYCMA signera prochainement un accord avec QJ Motor pour développer la production de deux-roues à Guelma.

Avec ces accords et cette dynamique institutionnelle, l’Algérie veut se positionner comme un hub industriel régional, en profitant de sa situation géographique et des liens solides avec la Chine. Ce forum d’affaires constitue une étape majeure dans la construction d’un partenariat stratégique modernisé, qui va au-delà des échanges commerciaux pour miser sur l’investissement, le co-développement et le transfert de technologies.