La fin d’«Algex et ses dinosaures»

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Par M. Mansour

 

Le président Tebboune a livré hier une allocution au ton incisif et résolument réformateur à l’ouverture de la 2e édition de la Rencontre nationale avec les opérateurs économiques. Au centre de son intervention : la refonte en profondeur du système national du commerce extérieur. L’annonce choc de la journée a été celle de la dissolution de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex), qualifiée sans ambages d’institution «relevant de l’ère jurassique et renvoyant à l’âge de pierre», suivie par la décision tout aussi significative de créer deux nouvelles instances chargées respectivement des exportations et des importations.

Ce jugement sans appel marque une rupture. Pour le président de la République, Algex a non seulement échoué dans sa mission, mais a aussi constitué un frein au développement des exportations. «Tous les efforts consentis, y compris l’augmentation de la production et les optimisations mises en œuvre pour promouvoir les exportations, étaient canalisés à travers l’étroite et inefficace brèche de l’Algex», a fait remarquer le chef de l’Etat.

Avec ce constat, le couperet est tombé. «C’est terminé. Vous ne la trouverez plus sur votre chemin.» Algex est officiellement enterrée. Le Président a évoqué la présence en son sein de véritables «dinosaures bureaucratiques», devenus les symboles d’une inertie administrative nuisible. Pourtant, malgré cet environnement défavorable, l’Algérie a réussi à exporter pour 7 milliards de dollars hors hydrocarbures en 2022 – ce que Abdelmadjid Tebboune n’a pas hésité à qualifier de «miracle».

 

Cap sur une économie de précision

Dans le sillage de cette suppression, deux nouvelles entités verront le jour avant la fin du mois de mai prochain. D’un côté, une structure dédiée à l’importation, dotée d’un système de veille chargé «d’identifier les produits non fabriqués localement, afin de garantir une importation ciblée et rationnelle, en cohérence avec les besoins du marché national». De l’autre, une instance de régulation des exportations, elle aussi équipée d’un système d’observation permanent, «permettant d’identifier les excédents disponibles à l’export, tout en assurant l’accompagnement des exportateurs».

Le Président a, par ailleurs, insisté sur la qualité des données que devront produire ces structures. La fiabilité des données fournies par ces structures est, selon lui, «le fondement d’une économie de précision». Il a rappelé que l’absence d’outils fiables avait empêché d’anticiper certaines crises récentes. Il a cité en exemple l’explosion du prix de la pomme de terre, passée brutalement de 60 DA à 160 DA : «Où se situe le problème ?» s’est-il interrogé, dénonçant un manque de réactivité imputable à l’absence d’un système d’alerte efficace.

 

Sous-facturation et anarchie

Le président de la République a également abordé le dossier sensible des exportations agricoles, en particulier celui des dattes. Il s’est dit choqué de constater que ces dernières sont «facturées à 40 DA/kg à l’exportation, alors qu’elles se vendent entre 600 et 700 DA sur le marché national». Il a qualifié cette pratique de «criminelle», y voyant un phénomène de sous-facturation délétère, nourri par «une concurrence interne malsaine entre producteurs nationaux».

 

Le paradoxe du ciment et l’excédent prisonnier des ports

Abordant ensuite l’un des secteurs les plus excédentaires, le Président a rappelé que la production nationale de ciment s’élève à 41 millions de tonnes par an, pour une consommation intérieure n’excédant pas 24 millions. Soit un excédent de 17 millions de tonnes. Pourtant, ces volumes demeurent sous-exploités à l’export en raison de l’obstacle logistique de «l’inadaptation des ports». Pour remédier à ce goulot d’étranglement, trois options sont à l’étude : «La construction de ports spécialisés, l’aménagement des ports existants, ou encore la création de ports flottants.»

 

Importations : tolérance zéro face aux abus

Concernant les importations, le président Tebboune a rappelé qu’avant le Hirak, la facture dépassait les 60 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle a été ramenée structurellement à 40 milliards de dollars, avec l’ambition claire de la réduire davantage. Le message est clair : «Tout produit fabriqué localement ne devra plus être importé», a-t-il affirmé, promettant que «ceux qui s’obstinent seront exposés à des sanctions».

Le Président a également pointé du doigt les dérives de «certains opérateurs économiques qui cherchent délibérément les failles pour contourner les règles, notamment par la manipulation des factures ou la dissimulation des origines des marchandises.»

 

Une politique commerciale fondée sur l’intérêt national

Enfin, le président Tebboune a conclu son intervention sur une ligne claire : «Transparence, modernisation et responsabilité» devront guider toute l’action publique en matière de commerce extérieur. Il a lancé un appel fort à la mobilisation générale des acteurs économiques afin de «reconstruire un environnement propice à l’export, basé sur la compétence, l’organisation et l’intérêt national».