La France pousse au pourrissement

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PAR MANSOUR M.

Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, enchaîne les déclarations polémiques à l’encontre de l’Algérie, franchissant une ligne qui soulève des interrogations sur les principes censés guider l’action de l’Etat français et les règles diplomatiques régissant les relations franco-algériennes, d’autant plus que son dérapage d’hier a reçu un soutien explicite du Quai d’Orsay. Ces propos, loin d’être anodins, incitent à réfléchir sur les véritables intentions du gouvernement français. Au-delà des prérogatives qui lui sont attribuées, ces attaques semblent s’inscrire dans une stratégie délibérée visant à provoquer une rupture totale entre les deux pays. En exacerbant les tensions existantes, Retailleau semble chercher à conduire les relations franco-algériennes à un point de non-retour. A travers ses prises de position, il devient évident que les enjeux dépassent largement les simples considérations électorales et que les objectifs poursuivis sont d’une tout autre nature.

Au service de qui ou de quoi ?

La démarche de Bruno Retailleau et ses déclarations à l’égard de l’Algérie vont bien au-delà d’une simple critique de la gestion migratoire. Le soutien dont il bénéficie laisse à penser qu’il cherche intentionnellement à provoquer un affrontement avec l’Algérie, en invoquant des prétextes fallacieux. Ce changement radical de la France dans ses relations avec l’Algérie, associé à un discours résolument belliqueux, semble être directement lié à l’alliance entre le président Macron et l’extrême droite. Il est, en effet, bien connu que ce courant politique tend à présenter l’Algérie comme un partenaire difficile et, plus encore, comme un obstacle majeur à l’adoption de politiques migratoires plus strictes. En conséquence, les déclarations émanant de personnalités politiques issues de cette mouvance sont systématiquement agressives, violentes et attentatoires, tout en ignorant les règles et usages de la diplomatie. Ce comportement constitue, sans surprise, une caractéristique de l’extrême droite, où qu’elle s’exprime.

 

Le dérapage de trop

En déclarant hier que la France devait «évaluer tous les moyens à sa disposition» face à ce qu’il considère comme une tentative d’«humiliation» de la part de l’Algérie, Retailleau a adopté une posture qui dépasse largement le cadre la critique. Cette position s’est encore durcie dans la foulée des propos controversés du président Macron, qui dénonçait une prétendue atteinte à la liberté d’expression suite à l’arrestation, le 16 novembre dernier, de l’écrivain algérien Boualem Sansal pour des déclarations attentatoires à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Par cette intervention, Retailleau n’a pas seulement ciblé un cas individuel, mais semble avoir voulu projeter une remise en question globale de l’Algérie, s’attaquant à la fois à son statut de grande nation et à la dignité de son peuple.

Dans ce contexte, il a même laissé entendre que des sanctions ou des mesures coercitives pourraient être envisagées à l’encontre de l’Algérie. Adoptant un ton inapproprié, il a ouvertement critiqué le refus de l’Algérie de réadmettre un ressortissant visé par une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), Alger ayant exigé un laissez-passer consulaire. «L’Algérie veut humilier la France, elle franchit un pas, c’est inacceptable, nous allons utiliser tous les moyens, je dis bien tous les moyens…», tonnera-t-il devant un parterre de journalistes, après qu’il ait évoqué encore le cas Sansal, qui n’était au passage pas l’objet de la question.

Barrot prêt à venir à Alger si…

Plus tôt dans la journée, un diplomate du Quai d’Orsay, cité par Europe 1, a exprimé son désaveu face à l’attitude belliqueuse de Retailleau, soulignant que les questions de visas et d’aide au développement ne devaient en aucun cas être instrumentalisées comme des leviers de pression. Pourtant, quelques heures plus tard, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a non seulement menacé de «riposter», mais a précisé que la France n’aurait «d’autre possibilité que de riposter» si l’Algérie poursuivait sa posture d’escalade. Jean-Noël Barrot, tantôt sur la défensive, tantôt offensif, s’est dit prêt à venir à Alger discuter avec les dirigeants algériens de tous ces problèmes et essayer de trouver des solutions définitives.

L’Algérie, après avoir rejeté le renvoi d’un influenceur algérien (Doualemn), a ainsi provoqué la colère de Paris, qui s’indigne de ce qu’il considère comme un affront. Pourtant, l’étrangeté de la situation ne réside-t-elle pas dans l’utilisation de ce cas pour justifier une agressivité diplomatique disproportionnée ? De plus, la menace d’activer des leviers comme la réduction des visas ou de l’aide au développement semble davantage relever de la posture que d’une réponse mesurée.

Dans un contexte déjà tendu, la droite et l’extrême droite françaises n’hésitent pas à instrumentaliser cette situation pour exiger une révision de l’accord migratoire de 1968, jugé «trop favorable à l’Algérie».