Le gouvernement algérien a pris acte de la décision de la justice française de rejeter la demande d’extradition de l’ancien ministre Abdeslam Bouchouareb, condamné dans des affaires de corruption en Algérie. Au même moment, la France officielle réclame la libération de l’écrivain Boualem Sansal contre lequel est requise une peine de 10 de prison ferme. La décision de la justice française concourt ainsi à entretenir le bras de fer politique entre les deux pays.
L’Algérie a pris acte de «la décision de la justice française d’opposer une fin de non-recevoir à la demande d’extradition d’Abdeslam Bouchouareb, condamné par la justice algérienne dans de multiples affaires de corruption, de malversation et de trafic d’influence causant au Trésor algérien des pertes considérables, en relevant l’absence de la coopération française», a indiqué jeudi un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
«Sans préjudice du recours à d’autres voies de droit encore possibles, le gouvernement algérien saisit cette occasion pour relever l’absence totale de coopération du gouvernement français en matière d’entraide judiciaire en dépit de l’existence de nombreux instruments juridiques internationaux et bilatéraux prévus à cette fin», a précisé la même source. Il y a lieu de relever, comme l’a souligné le communiqué des Affaires étrangères, que la France a toujours refusé de coopérer avec l’Algérie dans le cadre des procédures pour récupérer les biens spoliés et fruits de corruption par des responsables algériens reconnus coupables, en prison ou en fuite.
«Dans le cadre de ses efforts visant à récupérer toutes les richesses dont elle a été spoliées, l’Algérie s’est systématiquement heurtée et se heurte toujours à des tergiversations et à des atermoiements injustifiés et inexplicables de la partie française qui ont abouti à une absence totale de réponse à vingt-cinq commissions rogatoires introduites par l’Algérie», a souligné la même source.
«Cette attitude française se singularise par rapport à celles d’autres partenaires européens qui coopèrent de manière sincère, loyale et sans arrière-pensée avec les autorités algériennes sur ce dossier des biens mal acquis dont ils connaissent la sensibilité extrême pour l’Algérie», a déploré le communiqué des Affaires étrangères.
L’attitude de la justice française vis-à-vis des requêtes de la justice algérienne fait partie des leviers mis en branle par la France pour exercer plus de pression pour faire plier Alger dans le double objectif de maintenir les intérêts français sans contrepartie, détourner l’opinion publique sur les problèmes internes en braquant les radars sur l’Algérie alors qu’il est question de politique et d’échéances politiques qui ne regardent que la France et les Français. Plus grave encore, au moment où Paris tergiverse et refuse d’extrader un ancien ministre reconnu coupable, M. Darmanin, ministre de la Justice, réclame la libération de Boualem Sansal. Autrement dit, il réclame d’Alger, contre toute logique, la violation de la procédure judiciaire. Le même discours a été repris par le président Macron, qui a attendu jusqu’à l’exacerbation, par le fait des ministres de son gouvernement, dont celui de l’Intérieur qui s’est affairé pendant des semaines à s’occuper «des Affaires étrangères», pour réagir et solliciter l’indulgence du président Tebboune pour libérer l’écrivain. Un peu tard, il a annoncé par ailleurs qu’il prendra la parole sur la crise algéro-française dans les prochains jours.
A contrario, le dossier judiciaire de Bouchouareb est aussi épais qu’un annuaire téléphonique : son nom s’est toujours retrouvé mêlé aux scandales financiers. Il est cité dans l’affaire Khalifa dont il ne nia pas son implication en tant que bénéficiaire des largesses du golden boy déchu, Moumen Khalifa. Le scandale révélé dans les Panama Papers, les rétro-commissions dans les scandales de surfacturation avalisés par ses soins, la perception d’indus avantages pour l’octroi des agréments pour les dossiers du montage automobile, avéré et confirmé par le témoignage accablant du propriétaire d’Elsecom, M. Achaibou qui avait refusé le diktat du ministre. Abdeslam Bouchouareb aurait perçu l’équivalent de 7 millions de dollars de cadeaux, dont une villa sur les hauteurs d’Alger.
Il a blanchi son argent sale dans la machine immobilière par l’acquisition d’un parc immobilier en France, constitué d’au moins trois appartements à Paris, le premier acquis en 2006, d’un appartement pour 1,18 million d’euros, le second acheté
900 000 euros et le dernier pour un million d’euros. Il serait aussi propriétaire d’une villa dans le sud de la France où il réside actuellement. Il lui reste encore dans son compte bancaire la modique somme de 300 000 euros. En somme, Bouchouareb détient une fortune en biens que ne saurait justifier son activité de producteur de chips, si ce n’est sa proximité avec les frères Kouninef dont il a appuyé tous les dossiers de crédits, notamment ceux liés aux importations de matériels surfacturés jusqu’au double de leur prix, ou encore les commissions liées à l’octroi des agréments pour les usines de montage automobile. Des faits avérés, vérifiés et documentés, pour lesquels il est poursuivi et condamné en Algérie et devant lesquels la justice et les responsables français sont frappés de cécité. Et pendant que la justice française refuse de coopérer avec l’Algérie, le chef de la diplomatie française, Noel Barrot, a demandé à l’Algérie de reprendre la coopération sécuritaire et l’échange de renseignement pour combattre le terrorisme.
Djilali B.