La présidente indienne Droupadi Murmu aujourd’hui à Alger : Une visite sous le signe des enjeux économiques et stratégiques

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La Présidente de l'Inde

Par M. Mansour

La présidente indienne, Droupadi Murmu, est attendue aujourd’hui à Alger en fin d’après-midi pour une visite officielle de trois jours. Ce déplacement, le premier du genre depuis son accession à la présidence, s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales entre l’Algérie et l’Inde, deux nations qui cherchent à approfondir leur coopération dans plusieurs domaines clés, tels que l’économie, les énergies renouvelables, la pétrochimie et la défense. Cette visite revêt également une importance particulière dans le cadre du G20, où l’Inde cherche à établir des partenariats solides avec des nations africaines influentes, notamment sur le plan international.

 

Une visite à forte dimension économique

Dès son arrivée, Mme Droupadi Murmu sera accueillie avec les honneurs dus à son rang, lors d’une cérémonie officielle, avant de rencontrer la communauté indienne établie en Algérie. Cette rencontre vise à renforcer des liens humains et culturels plus étroits entre les deux nations. Le lendemain, la Présidente indienne se rendra au sanctuaire des Martyrs à Alger, où elle déposera une gerbe de fleurs en hommage aux héros de la guerre de Libération nationale.  Le point culminant de la visite interviendra lors des discussions bilatérales avec le président Abdelmadjid Tebboune. Ces entretiens, qui seront suivis de réunions élargies avec les délégations des deux pays, porteront principalement sur les échanges commerciaux, l’investissement industriel, ainsi que sur des projets de coopération dans des secteurs aussi stratégiques que l’énergie et la pétrochimie. Mme Droupadi Murmu interviendra ensuite lors du Forum économique Algérie-Inde, un événement crucial pour les investisseurs des deux pays, avant de rencontrer les présidents du Conseil de la nation, Salah Goudjil, et de l’Assemblée populaire nationale, Brahim Boughali.

Au troisième jour de sa visite, la Présidente indienne se rendra au pôle scientifique et technologique de Sidi Abdellah, infrastructure emblématique des efforts algériens en matière de développement technologique et d’innovation. Elle se dirigera ensuite à Tipasa, où elle visitera la station de dessalement de l’eau de mer de Fouka. Cette visite sera également marquée par l’inauguration de l’India Corner au Jardin d’Essai d’Alger, un geste symbolique de l’amitié indo-algérienne.

 

Des échanges commerciaux en monnaie locale ?

Parmi les sujets qui devraient aussi être au menu des discussions figure l’intensification des échanges commerciaux en monnaies locales. Evoquant la question lors d’un point de presse à l’occasion de l’annonce de cette visite, le Secrétaire aux relations économiques du ministère indien des Affaires étrangères, Dammu Ravi, a souligné que l’Inde s’efforce de promouvoir l’utilisation de la plateforme UPI (Unified Payments Interface) pour ses transactions commerciales avec les pays africains. Cette initiative a pour objectif de contourner les systèmes de paiement traditionnels, en particulier ceux libellés en dollar. «Nous visons à renforcer les échanges commerciaux en monnaies locales, mais ce processus nécessitera du temps en raison des défis techniques et des attentes des différents acteurs économiques», a-t-il ajouté.

 

Les engrais et le phosphate

L’autre question sensible qui sera probablement posée par la délégation indienne concerne les besoins de l’Inde en phosphate. Cette matière première est cruciale pour la production d’engrais, dont dépend l’agriculture indienne. Faisant partie des principaux importateurs mondiaux, l’Inde cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement et voit dans l’Algérie un partenaire potentiel dans ce domaine. Le projet de phosphate intégré, actuellement en cours de réalisation dans l’Est du pays, pourrait s’avérer stratégique pour l’Inde, qui tente de réduire sa dépendance envers ses fournisseurs traditionnels. En s’associant à l’Algérie, ce pays espère non seulement garantir ses besoins en phosphate, mais aussi établir des partenariats industriels dans le secteur des engrais, contribuant ainsi au développement de ce secteur en Algérie.

 

La quête des métaux critiques

En parallèle, l’Inde est également à la recherche de partenariats dans le domaine des métaux critiques, indispensables à son développement technologique. Des métaux comme le lithium, le cobalt ou encore le nickel sont essentiels pour la production de batteries, d’équipements électroniques et de technologies vertes. L’Algérie, riche en ressources naturelles, pourrait devenir un fournisseur clé de ces métaux dans le cadre des transitions énergétiques et numériques.

Cette quête des métaux critiques s’inscrit dans la volonté de cette puissance émergente de renforcer son indépendance technologique et énergétique. Pour l’Algérie, ce partenariat offrirait des opportunités d’investissement dans des secteurs à forte valeur ajoutée, notamment ceux liés à l’énergie solaire et aux éoliennes, en pleine expansion dans le cadre de la transition énergétique mondiale.

 

Coopération militaire

Au-delà des échanges économiques, la coopération militaire entre l’Inde et l’Algérie est également appelée à s’intensifier. Depuis peu, les deux pays ont ouvert des bureaux des affaires de défense dans leurs ambassades respectives, selon le Secrétaire indien aux affaires des Indiens de l’étranger, Arun Kumar Chatterjee. Un geste qui témoigne de l’importance de ce domaine dans les relations bilatérales. Des échanges réguliers de visites militaires de haut niveau, ainsi que des formations pour les officiers algériens en Inde sont prévus dans le cadre du renforcement de la coopération militaire, ajoute la même source. Arun Kumar Chatterjee a fait savoir que son pays envisageait des «exercices conjoints, notamment dans le domaine naval, et des programmes de coopération militaire plus approfondis.» Ces projets viennent s’ajouter aux discussions en cours sur la défense, qui incluent également des réflexions communes sur la recherche et le développement dans ce domaine.

 

Revoilà les BRICS !

Bien que l’Algérie ait décidé de tourner la page des BRICS, la question de son adhésion à ce groupe a été soulevée lors du point de presse. Interrogé par des journalistes indiens, Dammu Ravi a rappelé que l’élargissement des BRICS nécessite l’unanimité des membres actuels, tout en précisant que l’Algérie reste un candidat sérieux pour une future vague d’adhésions. Pourtant, le président Tebboune a été clair sur ce point : «Le dossier est clos et la page est tournée», avait-il déclaré lors d’une récente rencontre avec la presse. «Nous voulions adhérer pour des raisons bien définies, mais quand nous avons vu la tournure que prenait cette organisation, notre volonté a changé», a-t-il expliqué trois jours avant que M. Ravi n’évoque la question.