C’est par un communiqué concis et précis que l’Algérie a démenti les fausses informations rapportées notamment par l’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt, sur une prétendue décision algérienne de suspendre les relations commerciales avec la France.
PAR ZINE HADDADI
Une note attribuée à l’Association des banques et établissements financiers (ABEF) annonçant une suspension des échanges commerciaux avec la France a fait le tour des réseaux sociaux. Le contenu de la note a été repris par l’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt, qui a posté avec certitude sur son compte Twitter la prétendue décision des autorités algériennes de suspendre les relations commerciales avec la France.
La réponse de l’Algérie a été catégorique, la rumeur colportée sur les réseaux sociaux et reprise par l’ancien diplomate français Driencourt est fausse et sans fondement. Le démenti des autorités algériennes à ce sujet a émané du bureau de communication des services du Premier ministère.
«Suite aux allégations mensongères colportées par l’ancien ambassadeur de France à Alger, dans son délire haineux et coutumier à l’égard de l’Algérie, au sujet de prétendues mesures restrictives au commerce, la cellule de communication auprès du Premier ministre tient à apporter un démenti catégorique à ces informations erronées et totalement infondées», pouvait-on lire dans le communiqué des services du Premier ministère algérien.
Avant le démenti catégorique de l’Algérie, la rumeur avait pris beaucoup d’ampleur. Néanmoins, un ancien diplomate, qui a été de surcroît directeur d’un service de renseignement, comme Xavier Driencourt, se devait de vérifier l’information avant de verser dans un commentaire assaisonné à la sauce «extrême droite». «Pour remercier la France, l’Algérie décide de bloquer toutes les importations françaises et les exportations vers la France. Nous sommes décidément aveugles», avait écrit l’ex-diplomate dans son post sur «X».
En plus du fait que l’information rapportée s’est avérée être fausse, Driencourt a usé d’un ton hautain qui renseigne sur la haine qu’il voue à l’Algérie. Pour l’ancien diplomate devenu porte-voix de l’extrême droite et proche ami du Makhzen, l’Algérie se doit de remercier la France. Mais la remercier de quoi, la remercier pour quoi ?
Ce que la France à peur de perdre
En vérité, la sortie ratée de Xavier Driencourt traduit les craintes du côté français de perdre en l’Algérie un partenaire privilégié.
En 2023, l’Algérie occupait la place de second marché de destination des ventes françaises en Afrique, selon un rapport du Trésor français publié en mai 2024.
Les exportations françaises vers l’Algérie ont connu une certaine stabilité en 2023 par rapport à 2022 avec une légère baisse de 0,5%, passant de 4,51 milliards d’euros en 2022 contre 4,49 milliards d’euros en 2023. Autrefois produits clés dans les exportations françaises vers l’Algérie, les produits agricoles ont enregistré une baisse de 73%. Dans d’autres secteurs, les exportations françaises se portent un peu mieux.
Les produits industriels (1,9 milliard d’euros en 2023), qui représentent désormais le premier poste d’exportations françaises vers l’Algérie, avec 41,7% du total des exportations vers l’Algérie, ont connu une hausse de 20,5% par rapport à 2022, note le Trésor français dans son rapport.
Les ventes d’équipements mécaniques, deuxième poste d’exportation, ont enregistré une augmentation de 16,9% pour s’établir à 1 milliard d’euros (contre 879 millions d’euros en 2022). Quant au troisième poste d’exportation, les matériels de transport, ils s’établissent à 863 millions d’euros (+21,8% par rapport à 2022), ajoute la même source.
Enfin, les produits des industries agroalimentaires, quatrième poste à l’exportation, passent de 305 millions d’euros à 408 millions d’euros, enregistrant l’une des plus fortes progressions sur la période, de 33,6%, pouvait-on lire dans le même rapport.
Cependant, la baisse des échanges dans certains secteurs est frappante, à l’image du blé où les produits de la mer Noire (Russie, Ukraine) ont détrôné les importations de France. Dans le domaine des viandes rouges, l’Algérie a repris les importations depuis l’Espagne depuis quelques mois déjà, tout en maintenant la destination Brésil et Irlande.
Dans le domaine de l’automobile, les marques françaises demeurent les grandes absentes depuis la relance du secteur en 2022. Des firmes européennes, à l’image de Fiat et Opel, ont pourtant fait leur retour en Algérie, ce qui n’est pas le cas de Renault à ce jour ni de Peugeot qui fait partie du même groupe que les marques européennes citées, à savoir Stellantis.
Relations algéro-françaises : un épisode de tension
Ceci dit, il est indéniable que les relations algéro-françaises ne traversent pas leur meilleure période, notamment depuis le soutien officiel au plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental affiché par le président français Emmanuel Macron le 30 juillet dernier et réaffirmé il y a deux semaines lors de son voyage au Maroc.
L’Algérie reproche à la France, à juste titre, d’avoir failli à son rôle de pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU qui considère toujours le Sahara occidental comme territoire occupé et non sous souveraineté marocaine, comme le prétend la nouvelle position française sur ce dossier.
La reconnaissance par le président français Emmanuel Macron de l’assassinat du chahid Larbi Ben M’hidi par des militaires français sonne comme une énième tentative de sa part d’éviter à tout prix la rupture avec l’Algérie.
Or, le geste de Macron est passé presque inaperçu, d’autant plus qu’en Algérie, l’assassinat de Ben M’hidi par la France n’a jamais fait de doutes.
Sur fond de crise politique sans précédent depuis la Ve République, la France a pris un virage très à droite voire à l’extrême droite depuis l’été dernier et la position de l’ancien ambassadeur français sur les rumeurs de la suspension des échanges n’en est que l’expression.