Par M. Mansour
Lors d’une réunion qui s’est tenue hier au siège des Nations unies à New York, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a réaffirmé la nécessité urgente d’une réforme en profondeur du système financier et monétaire international. Son appel, formulé au sein du Groupe des 77+Chine, met en exergue l’injustice structurelle d’un ordre économique mondial façonné par les Accords de Bretton Woods de 1944, lequel consacre la domination d’un capitalisme prédateur, ayant laissé place à une suprématie du dollar américain et une hégémonie économique des Etats-Unis.
Pour l’Algérie, le système financier et monétaire international, établi par ces accords, constitue une source d’injustice manifeste. En effet, la dépendance excessive des économies en développement vis-à-vis du dollar les rend particulièrement vulnérables aux fluctuations du marché financier international, un point que M. Attaf a souligné avec insistance. Cette vulnérabilité engendre des déséquilibres considérables, notamment en matière de dette et de stabilité financière. L’Algérie, en tant que pays exportateur de pétrole, a elle-même subi de plein fouet les secousses liées aux variations du dollar, un phénomène amplifié par les crises économiques mondiales récurrentes. Cette réalité expose les économies fragiles et celles en voie de développement à des fluctuations des prix des matières premières, affectant directement leur capacité à financer leur développement.
Un système anachronique dans un monde en mutation
Si l’Algérie réitère son appel à la réforme, c’est aussi parce que le contexte géopolitique mondial a profondément évolué depuis Bretton Woods. Aujourd’hui, des puissances économiques émergentes, telles que la Chine, l’Inde et le Brésil, ne cessent de croître et de jouer un rôle central dans l’économie mondiale. Pourtant, leur poids au sein des institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, reste disproportionnellement faible par rapport à leur contribution économique. L’Algérie voit dans cette montée en puissance des économies émergentes une occasion de repenser l’architecture financière mondiale.
Cependant, l’inertie institutionnelle du système financier mondial rend cette transition complexe. Les structures de décision du FMI, par exemple, continuent de refléter la répartition des pouvoirs d’après-guerre, avec une prédominance des Etats-Unis et de l’Europe dans les instances de gouvernance. Pour M. Attaf, cette configuration est non seulement obsolète, mais également injuste. Les pays en développement, qui subissent de plein fouet les conséquences des politiques économiques dictées par ces institutions, sont les moins représentés au sein de leurs organes de décision.
L’urgence d’une réforme
Lors de son discours à New York, Ahmed Attaf a également insisté sur l’impact direct de cette injustice financière sur les efforts de développement. Selon les chiffres de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le déficit de financement pour le développement s’élève à 4000 milliards de dollars, une somme colossale qui étouffe les initiatives de nombreux pays du Sud. Pour l’Algérie, cette situation est intenable. Les Objectifs de développement durable (ODD), établis par les Nations unies pour éradiquer la pauvreté et réduire les inégalités d’ici 2030, sont en péril si des réformes structurelles du système financier ne sont pas entreprises rapidement.
Pour peser de manière significative au sein des instances internationales et trouver des solutions efficaces, M. Attaf a appelé les membres du Groupe des 77+Chine à s’exprimer d’une seule voix lors des prochains forums internationaux, notamment à l’occasion de la quatrième Conférence sur le financement du développement prévue l’année prochaine. Le ministre algérien souligne que l’unité des pays en développement est cruciale pour inciter la communauté internationale à une prise de conscience collective. Selon lui, le système actuel entrave le financement équitable des infrastructures, de l’éducation et de la santé, exacerbant ainsi les disparités entre le Nord et le Sud.
Vers un nouvel ordre financier mondial ?
L’Algérie, à travers ses prises de position répétées au sein des forums internationaux, ambitionne d’être à l’avant-garde de cette lutte pour un système financier mondial plus juste. Cette posture n’est pas nouvelle : dès 1964, lors de la Charte d’Alger, le pays avait joué un rôle clé dans la création du Groupe des 77, une coalition de pays en développement visant à renforcer leur position dans les négociations économiques internationales. Aujourd’hui, ce combat pour l’égalité économique mondiale se poursuit avec une intensité renouvelée.