Par Djilali B.
Sa longue carrière et ses responsabilités dans les structures et institutions de l’Etat font de Sid Ahmed Ghozali l’homme qui a vécu et participé aux grands événements et grandes étapes qui ont marqué la vie de l’Algérie post-indépendance.
Retiré presque de la vie politique après des échecs, deux fois candidat à la présidentielle, en 1999 et en 2004, l’agrément de son parti, le Front démocratique, est resté bloqué. Depuis, Sid Ahmed Ghozali a été rarement au-devant de la scène même s’il ne refusait aucune sollicitation, notamment des médias, donnant son point de vue et ses analyses sur les questions politiques et économiques. Il avait aussi accompagné, par sa présence et à travers ses contributions et interventions, les activités des partis démocrates qui tentaient d’ébaucher des alternatives.
S’il a réussi à s’affranchir de son étiquette d’un homme de l’Etat, comme le révèlent ses témoignages et ses révélations sur ses rapports avec le président et les responsables militaires, notamment sa gestion de la courte période 1991-92 avec l’organisation des législatives et leur annulation après le premier tour, il n’était cependant pas contre l’arrêt de ce processus électoral.
Il faut reconnaître que le défunt est le symbole de la génération de cadres qui ont bâti et construit, avec leur savoir-faire, leur forte volonté de développer le pays abandonné à l’indépendance et leur patriotisme. Ils ont rebâti le pays, son économie et ses institutions. Et participé à la réappropriation de sa souveraineté et de son autorité sur ses richesses naturelles qui a culminé avec la nationalisation des hydrocarbures en 1971 alors qu’il était cadre dans le secteur.
Le diplômé des Ponts et Chaussées de Paris, par ailleurs ami de Lionel Jospin, était parmi les plus jeunes cadres qui ont laissé le confort de la France et d’ailleurs et choisi de mettre leurs compétences au service de l’édification de l’Algérie.
Il était, avec feu Abdelaziz Bouteflika, le plus jeune ministre, à 27 ans, de la République algérienne. Il avait occupé des postes de responsabilité dans le secteur de l’énergie et des mines, notamment Directeur de la Sonatrach et ministre de l’Energie et des Mines. Il était l’un des artisans de l’essor du secteur des hydrocarbures en Algérie. Très vite, il va hériter d’autres portefeuilles, passant des Finances à l’Economie, ou encore à la diplomatie, ministre des Affaires étrangères et ambassadeur et d’être enfin appelé pour diriger le gouvernement et gérer la période la plus complexe du pays avec l’organisation des législatives de décembre 1991, dont le premier tour a été remporté par le FIS. Au risque de faire basculer le pays dans un régime taliban, le processus électoral a été stoppé et le second tour annulé.
Et si Sid Ahmed Ghozali, appelé communément l’homme au papillon, puisqu’il préférait le nœud papillon à la cravate, a consacré sa vie pour le pays. Excellent technicien, l’homme n’a jamais occupé la place qui devait être la sienne.
Ses tentatives de revenir sur la scène politique en mettant sur pied une formation politique qui ne verra pas le jour et ses deux incursions ratées dans les présidentielles de 1999 et de 2004 auront été vaines. Mais cette posture lui valut beaucoup de sympathie et fait monter sa popularité, parce que l’homme est resté entier, égal à lui-même. Jusqu’à sa disparition ce mardi 4 février 2025 à l’âge de 88 ans.
Il aura laissé son empreinte dans l’histoire de l’Algérie indépendante en étant au rendez-vous de ses tournants décisifs, de ses soubresauts et de ses mutations en étant souvent un acteur clé et présent pour servir le pays.
L’Algérie vient de perdre un vrai patriote, une compétence et un homme intègre. Repose en paix, Sid Ahmed !