Très peu habitué à s’exprimer sur la politique, pour ne pas dire jamais, l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, a, une fois n’est pas coutume, poussé un coup de colère contre le jusqu’auboutisme de certains responsables politiques français qui entretiennent la crise entre Alger et Paris.
Se disant « inquiet et en colère face aux propositions jusqu’au-boutistes de certains responsables politiques français », ce franco-algérien, Cardinal depuis décembre 2024, est convaincu que le perdant dans cette crise n’est autre que la France puisque, considère t-il, un divorce avec l’Algérie serait suicidaire pour la France.
« Le divorce avec l’Algérie…serait une voie suicidaire pour la France », a estimé l’archevêque d’Alger dans une interview accordée au journal français La Croix. Pour lui, les conséquences « ne seraient pas seulement une rupture de relations diplomatiques avec un pays », mais, prévient-il, « le divorce silencieux de millions de Français musulmans, pas seulement franco-algériens et souvent parfaitement intégrés, avec le pays dans lequel ils vivent et qu’ils contribuent à faire vivre ».
L’attitude de la France vient raviver une blessure dans l’âme algérienne
Ce spectre n’est pas loin, à ses yeux, puisque, déplore t-il, « c’est ce qui est en train de se produire ». « Et c’est l’une des raisons principales de ma colère », a-t-il déclaré expliquant que « l’attitude de la France…vient raviver une blessure dans l’âme algérienne dont on ne peut mesurer la profondeur que dans le temps long d’une vie partagée ».
Tout en reconnaissant la légitimité et l’existence de « la préoccupation sécuritaire » et du problème migratoire, exprimées par la France, l’archevêque d’Alger estime que « le fond du problème est à rechercher infiniment plus en amont, dans un passé colonial non réconcilié, notamment parce qu’il n y a pas eu de prise de conscience des conséquences dévastatrices du fait colonial en lui-même sur une population, de génération en génération ».
Il y a un rapport non réglé d’abuseur à abusé
Autrement, explique t-il encore, regarder en face l’arrière-fond qui fait le nid de la crise dite des OQTF « serait plus efficace que de tenter en vain de tordre le bras à l’Etat algérien ».
« Dans l’histoire coloniale française, la colonisation de l’Algérie, colonie de peuplement, est celle qui a laissé le traumatisme le plus profond, qui se transmet de génération en génération. Ma conviction est qu’il y a entre la France et l’Algérie un rapport non réglé d’abuseur à abusé », a-t-il soutenu non sans appeler à une « prise de conscience collective ». « Comment cacher que j’ai espéré que les présidents Tebboune et Macron soient les artisans de cette réconciliation historique… », a-t-il appelé de ses vœux.
S. LESLOUS