PAR MASSINISSA M.
Après plusieurs mois de travaux, la déviation du pipeline de gaz de pétrole liquéfié (GPL) traversant la baie d’Alger touche à sa fin. Selon Naftal, le nouveau tracé devrait être opérationnel d’ici juin prochain. Si ce chantier semble avant tout technique, il dissimule en réalité une transformation profonde, marquée par la levée d’un obstacle physique majeur au développement de la façade maritime d’Alger, inscrite dans une vision ambitieuse de transformation urbaine portée directement par les plus hautes autorités de l’Etat.
Ce pipeline, long de plus de cinq kilomètres, reliait jusqu’alors le port pétrolier d’Alger au dépôt du Caroubier. Avec un diamètre de 8 pouces, il traversait directement les Sablettes, l’un des rares espaces de loisirs et de respiration de la capitale. Cette situation bloquait toute tentative d’aménagement ambitieux de la baie, en raison des contraintes de sécurité et des servitudes qu’implique une telle infrastructure énergétique.
L’efficacité technique au service de la vision politique
Le projet de déviation, confié à Cosider Canaux, a consisté à déplacer intégralement cette conduite sur un tracé contournant l’espace urbain sensible. Un nouveau pipeline de 10 pouces de diamètre a été réalisé, en intégrant des techniques de pointe, notamment un forage horizontal dirigé sous la RN11, tout en préservant l’intégrité du trafic routier et des infrastructures existantes. Il a aussi fallu garantir la continuité de l’approvisionnement de sept wilayas en GPL, ce qui a imposé une coordination technique rigoureuse et une exécution sans faille.
Mais au-delà des prouesses techniques, ce projet s’inscrit dans une stratégie de modernisation globale de la capitale, incarnée par le vaste programme baptisé «Vision stratégique de développement et de modernisation de la capitale», validé par le président de la République Abdelmadjid Tebboune. Ce plan, qualifié de «bon et plus qu’acceptable» par le chef de l’État, ambitionne de hisser Alger au rang des grandes capitales mondiales, à travers une série de projets urbains, environnementaux, culturels et infrastructurels.
Une nouvelle approche de l’aménagement du territoire
Le Plan blanc, dans lequel s’intègre la déviation du pipeline, est l’un des quatre axes structurants de cette stratégie, aux côtés du Plan bleu (reconnexion d’Alger à la mer), du Plan vert (restauration écologique) et du Plan jaune (transport et mobilité). Il vise à réorganiser les espaces urbains, à réhabiliter le patrimoine bâti et à supprimer les verrous techniques qui freinent le développement de la ville, comme c’était précisément le cas avec le tracé du pipeline.
Ce projet reflète sans conteste une nouvelle manière d’aborder l’aménagement du territoire, où l’infrastructure énergétique n’est plus un frein au développement urbain mais un levier de modernisation. Bien que le coût exact de l’opération n’ait pas été rendu public, il s’agit sans doute d’un investissement lourd, justifié par les enjeux de sécurisation énergétique, relance urbaine, et valorisation du littoral.
Un signal clair quant aux priorités politiques pour Alger
Cette opération révèle également une lecture politique limpide des intentions des pouvoirs publics. A travers ce chantier, l’Etat cherche à prouver que les blocages structurels majeurs peuvent être surmontés, et que l’ambition pour la capitale dépasse désormais le stade des promesses. La même logique anime les projets de réhabilitation de La Casbah, de revalorisation de l’oued El Harrach, ou encore de création d’un grand aquarium méditerranéen – autant d’initiatives qui tranchent avec l’inertie passée. A ce titre, on se souvient d’un projet similaire, lancé sous l’ère Bouteflika, dont il ne reste aujourd’hui qu’une trace évanescente sur les Unes de quelques journaux d’il y a une dizaine d’années.