Par : Tarik Sebbah (Docteur en nutrition & pathologie)
Lien entre le Ramadhan, le jeûne intermittent et la science du métabolisme
Le jeûne est souvent perçu comme une simple abstinence de nourriture et de boisson, mais d’un point de vue métabolique, il est bien plus complexe. Bien que l’on associe généralement le jeûne à l’absence totale de calories, la réponse de l’organisme au jeûne ne dépend pas uniquement de la restriction calorique. Les scientifiques distinguent deux types de jeûne : le jeûne calorique, qui implique une privation totale de calories, et le jeûne nutritionnel, qui permet un apport minimal en calories tout en maintenant un état métabolique similaire à celui du jeûne.
Le jeûne du Ramadhan et le jeûne intermittent suivent ces principes, mais leurs effets sur le métabolisme varient en fonction des choix alimentaires. En comprenant la différence entre le jeûne calorique et le jeûne nutritionnel, il est possible d’optimiser le jeûne tant sur le plan spirituel que sur le plan de la santé.
Jeûne calorique vs. Jeûne nutritionnel : quelle différence ?
Le jeûne calorique est ce que la plupart des gens imaginent lorsqu’ils pensent au jeûne : une abstinence totale de toute calorie, où seules l’eau, le café noir et le thé sont autorisés comme lors du jeûne intermittent. Ce qui n’est pas le cas du jeûne du Ramadhan, qui interdit la consommation de nourriture et de boisson du lever au coucher du soleil. Le jeûne hydrique et le jeûne prolongé entrent également dans cette catégorie.
En revanche, le jeûne nutritionnel permet l’apport de certains macronutriments, principalement des lipides, qui n’entraînent pas une augmentation significative du taux d’insuline et ne perturbent pas la cétose (l’état dans lequel l’organisme brûle les graisses comme principale source d’énergie). Par exemple, consommer du café avec de l’huile MCT ou du beurre fournit des calories, ce qui rompt techniquement un jeûne calorique, mais sans provoquer de pic d’insuline. Le corps reste donc dans un état métabolique « de jeûne », continuant à brûler les graisses et à produire des cétones, des molécules énergétiques clés durant le jeûne.
- Qu’est-ce qu’une huile MCT ?
MCT (Medium-Chain Triglycerides) ou des triglycérides à chaîne moyenne, c’est un type de graisse dérivée principalement de l’huile de coco et parfois de l’huile de palmiste. Contrairement aux autres graisses, les MCT sont rapidement absorbés et utilisés comme source d’énergie par l’organisme, sans passer par le processus de digestion classique des lipides.
Les effets métaboliques du jeûne : cétose, autophagie et sensibilité à l’insuline
Le jeûne déclenche plusieurs mécanismes biologiques bénéfiques :
- Cétose : Lorsque les réserves de glucose diminuent, le corps commence à brûler les graisses pour produire de l’énergie, générant des cétones, qui alimentent le cerveau et les muscles.
- Autophagie : Un processus de « nettoyage cellulaire » activé par le jeûne, où les cellules endommagées sont décomposées et recyclées, réduisant ainsi le risque de maladies chroniques.
- Sensibilité à l’insuline : Le jeûne abaisse les niveaux d’insuline, favorisant la combustion des graisses et réduisant l’inflammation, ce qui aide à prévenir des maladies comme le diabète de type 2.
Un jeûne nutritionnel permet de maintenir ces bienfaits tout en autorisant un léger apport calorique, rendant le jeûne plus supportable sans compromettre ses effets.
Le jeûne du ramadhan : bien plus qu’une restriction calorique
Le jeûne du Ramadhan repose sur un jeûne calorique strict pendant la journée. Toutefois, l’impact métabolique du Ramadhan dépend surtout de la manière dont on rompt le jeûne.
Un iftar traditionnel riche en glucides et en sucres peut provoquer un pic d’insuline rapide, entraînant une sensation de fatigue et un stockage excessif des graisses. À l’inverse, privilégier des lipides sains, des protéines et des fibres permet de stabiliser l’énergie et de prolonger les bénéfices du jeûne.
Quelques stratégies pour optimiser le jeûne du Ramadhan :
- Privilégier les protéines et les bonnes graisses au moment de la rupture du jeûne, plutôt que des aliments sucrés, afin d’éviter les pics de glycémie.
- S’hydrater correctement durant les heures autorisées pour soutenir la digestion et le métabolisme.
- Limiter les glucides raffinés afin d’éviter les baisses d’énergie et l’accumulation de graisses inutiles.
Le jeûne intermittent et son lien avec le ramadhan
Le jeûne intermittent est une approche moderne qui repose sur des périodes d’alimentation et de jeûne alternées. Il est souvent pratiqué pour perdre du poids, améliorer le métabolisme et favoriser la longévité.
Le jeûne intermittent et le jeûne du Ramadhan partagent des similitudes, notamment le jeûne par restriction temporelle. Par exemple, la méthode 16:8 (16 heures de jeûne suivies d’une fenêtre alimentaire de 8 heures) se rapproche du jeûne pratiqué durant le Ramadhan. La principale différence est que le jeûne intermittent permet l’hydratation, tandis que le Ramadhan interdit l’eau et toute autre boisson.
De plus, certaines techniques de jeûne nutritionnel, comme l’ajout de graisses saines (huile MCT, beurre clarifié, crème) dans le café, sont couramment utilisées en jeûne intermittent pour faciliter l’adaptation. Bien que cela rompe le jeûne calorique, cela permet au corps de rester dans un état métabolique de jeûne, en favorisant la combustion des graisses et la production de cétones.
En fin, le jeûne ne se limite pas à l’abstinence alimentaire, il influence profondément le métabolisme. Que ce soit pour des raisons spirituelles, de santé ou de gestion du poids, comprendre la différence entre jeûne calorique et jeûne nutritionnel permet d’en maximiser les bienfaits.
Le jeûne du Ramadhan s’aligne avec plusieurs principes du jeûne intermittent, mais ses effets dépendent de la manière dont on rompt le jeûne. En adoptant une approche plus nutritionnelle, favorisant les lipides sains, les protéines et les fibres, tout en limitant les sucres rapides on peut rendre le jeûne du Ramadhan plus durable, améliorant ainsi le bien-être spirituel et la santé métabolique.